Nous vous présentions il y a peu notre bilan de 2014, la tristesse de cette morne année mais surtout sa position si bâtarde entre 2013, l'année de l'effondrement, et 2015, l'année où l'espoir sera peut-être de nouveau permis. C'est bien simple : si les années de Starcraft II avaient dû porter des noms de films, 2013 se serait appelée « La Chute », 2014 « L'attente » ... et 2015 ferait bien de s'intituler « A New Hope » !
Voyons ensemble ce qui pourrait (enfin) combler les attentes de la communauté et de la scène eSport en 2015, ou ce qui mettrait, au contraire, un terme définitif à leurs souffrances.
Legacy of the Void
L'engouement qu'a soulevé la présentation du dernier opus de StarCraft II lors de la BlizzCon 2014 en dit long sur l'état du RTS de Blizzard. Attaqué de toutes parts, gisant à demi dans la tombe que son éditeur lui a quasiment creusé avec les mains, grignoté par les swarm hosts vers, le splendide jeu qui tenait naguère le haut de l'affiche lors des manifestations eSport se retrouve aujourd’hui relégué au second plan, derrière CS:GO à la DreamHack, et sur à peine un quart de la scène aux IEM San José, avec la moitié des quarts de finale joués backstage. Has been, voilà ce qu'est devenu ce superbe défi mécanique et intellectuel, notre jeu dont la magnifique complexité n'avait d'égal que le rayonnement international.
Pour revenir dans la course, il n'y a pas trente-six solutions. StarCraft II, contrairement à ces crooners qui s'accrochent désespérément à leurs micros passée la soixantaine, peut vivre une seconde jeunesse pour peu que ses concepteurs veuillent bien lui donner un coup de plumeau. Free to play, micro transactions internes, skins, modes funs, modes compétitifs, une campagne complexe avec un vrai scénario (à la Brood War quoi ...), sont autant de pistes méritant d'être explorées, étudiées plus d'une demi-seconde et éventuellement soumises à la communauté. Le problème ? Le vieux crooner qu'est devenu SC2 a toujours le même agent (David Kim), et le même parolier qui lui aussi a épuisé tout son répertoire. Bref, du renouveau dans l'équipe de développement serait le bienvenu ...
Oui mais voilà, on ne vit pas chez les Bisounours. Si la rentabilité n'y est pas, nul vrai investissement ne sera versé. Et l'on peut tomber assez facilement dans un Legacy of the Void bâclé, ouvert en bêta trop tôt dans l'espoir vain de satisfaire ne serait-ce que temporairement une communauté qui de toute façon ne représente pas un volume mercantile suffisamment attractif. C'est un peu l'examen de conscience que nous pouvons faire au fond : nous sommes ceux qui faisons vivre le jeu, en tant que viewers. Si nous abandonnons le navire, n'espérons pas que Blizzard renflouera son épave, pas avec des mannes financières comme Hearthstone ou Heroes of the Storm à peine sorties des chantiers navals.
Quelques signes encourageants pointent toutefois le bout de leur nez. Les modes Archon et Commandants Alliés, et les Tournois Automatisés devraient permettre de dynamiser et diversifier l'expérience de jeu de la communauté. Le fait que Legacy of the Void sorte en stand-alone devrait attirer plus de joueurs puisqu'il n'y aura plus besoin d'acquérir Wings of Liberty et Heart of the Swarm pour commencer StarCraft II. Ce sont donc bien les nouveaux joueurs et les nostalgiques de Brood War qui sont visés par ces deux salves de nouveautés. La réintroduction du Lurker, l'une des unités les plus regrettées des fans de la première heure confirme l'envie des développeurs de rallier une plus vaste communauté. Mais sauront-ils faire en sorte qu'elle reste passés les premiers mois ?
World Championship Series
L'autre très grosse attente de la communauté pour 2015 concerne l'eSport, et plus particulièrement le circuit-roi des WCS. Après deux ans de surdité infamante pour la communauté et une perte d'audimat record, Blizzard a enfin décidé de revenir à un circuit où la Foreignie aurait sa propre arène. Hourra, la foule en liesse applaudit ... avant de réaliser la supercherie : les WCS Europe et Amérique disparaissent pour ne former qu'une seule région unifiée. En 2015 nous pourrons donc soutenir nos champions locaux, les voir se tataner entre eux, mais juste pour le match de barrage que les qualifiés joueront en Challenger League. La Premier League verra l'ensemble du monde hors Corée-du-Sud se mettre joyeusement sur la tronche.
Les WCS 2015 se présentent d'emblée comme un paradoxe. En régionalisant plus strictement la compétition, Blizzard entend redynamiser les scènes locales, et donc réactiver le vivier que chaque région représente en termes de nouveaux joueurs et de champions en devenir. À l'instar des WCS 2012 ou des Nation Wars de O'Gaming, le patriotisme inhérent à chaque passionné de StarCraft II devrait suffire à assurer un nombre de viewers supérieur à ce que nous avons pu observer l'an passé.
Pour Blizzard et l'ESL l'intérêt est évident : accéder à une demande forte des spectateurs de ne plus voir que du Coréen dans son circuit, tout en revoyant le cashprize à la baisse. Eh oui, qui dit fusion des régions dit réduction des dotations, forcément. Si les gains individuels sont augmentés - le 5ème repartira avec 8 000 $ contre 5 000 $ en 2014 - le volume total diminue de 45 000 $ à chaque saison, soit 135 000 $ sur l'année. De quoi investir dans un mode LAN afin que la Finale mondiale 2015 ne connaisse pas les mêmes problèmes qu'en 2014 ?... *Mode troll off*. Les coûts d'organisation seront eux aussi réduits pour l'ESL qui devrait par ailleurs, comme dit plus haut, rallier un plus grand nombre de spectateurs.
Cependant, en unifiant toutes les régions, les WCS 2015 pourraient tomber dans un autre travers, celui de diviser les scènes. Certains groupes risquent en effet d'être constitués d'un seul Européen, opposé à un Chinois, un Américain et un "autre" (Taïwanais, Asie-du-Sud-Est, ...). Si cet Européen est très connu et que l'un de ses adversaires se trouve être une tête d'affiche, mettons Snute et viOLet ou Jim, peut-être regarderez-vous. Mais s'il s'agit de TargA, uThermal ou Nerchio, allumerez-vous le stream ? Peu probable. Sur le papier, l'idée de créer une scène interdite aux Coréens est donc excellente et bienvenue, mais la fusion des régions risque quant à elle de trop diluer le sentiment d'appartenance dont les spectateurs ont besoin pour s'identifier à leur champion. Car contrairement à ce que peuvent ressentir les Américains, le patriotisme européen n'existe pas encore vraiment.
Douze mois pour convaincre
2015 ou l'année de tous les dangers, c'est ainsi que la plupart des observateurs qualifieraient les douze mois à venir. Entre les promesses non tenues et les modifications d'équilibrage sans queue ni tête dont seule l'équipe de développement de StarCraft II semble avoir le secret, le sentiment d'abandon est fort au sein de notre communauté, réduite comme peau de chagrin par tant de vicissitudes.
Avec Legacy of the Void et les World Championship Series, sans oublier bien entendu la pléthore de "petits" tournois communautaires, l'année 2015 promet toutefois de très belles choses. Blizzard semble nous avoir donné rendez-vous. À nous de répondre présents, en espérant qu'il ne nous attende pas avec un bouquet fané et des chocolats rances.