Le sport électronique évolue notamment grâce à l'avènement du streaming mais pas que. En effet ce qui n'était qu'un microcosme composé de quelques irréductibles il y a encore quelques années est devenu une poule aux œufs d'or aux yeux de certains responsables marketing de grandes marques. Ainsi il n'est désormais plus rare de voir débarquer les éditeurs les plus riches du monde dans l'univers de la compétition mais également des constructeurs automobiles, des marques alimentaires ou bien encore un retour aux sources des champions de l'informatique. Si l'ensemble de ces entreprises ont des intérêts divergeant, leurs objectifs restent les mêmes : vendre. Or la récente vente de Twitch à Amazon pour 970 millions de dollars devrait permettre une fois encore de développer ce marché naissant qui rapporte déjà plusieurs centaines de millions de dollars par an.
Un peu d'histoire
Pourtant rien ne prédisposait l'eSport à connaitre un avenir comme nous le vivons aujourd'hui. Par le passé déjà nous avions connu une belle période d'euphorie jusqu'à cette fameuse crise financière de 2008 qui avait également durement touché le monde du sport électronique. Plusieurs grands noms en ont fait les frais, le plus célèbre par chez nous aura certainement été l'Electronic Sports World Cup (ESWC) obligé de fermer boutique dès 2009 suite au retrait de Nvidia et des dollars qu'ils versaient. Car les grands noms de l'informatique avaient déjà senti le bon coup au début des années 2000 en investissant d'importantes sommes d'argent afin d'aider à l'organisation d'événements où leurs matériels étaient mis en avant. Il n'était pas rare de voir AMD, Nvidia, Samsung, Microsoft ou encore Intel dépenser sans compter, chacun ayant même le privilège d'avoir sa propre compétition dédiée. Et puis la crise a entrainé une baisse significative des revenus avec la diminution drastique des budgets publicitaires. L'eSport était ainsi touché de plein fouet par les restructurations des grandes compagnies qui n'avaient plus envie d'investir dans un secteur dont l'avenir était incertain.
Alors si certaines marques comme Intel ou Samsung ont continué à investir, elles ont grandement réduit la voilure pendant plusieurs années pour finalement signer depuis quelques années leur grand retour. Pourtant le monde de l'eSport a changé, le streaming s'est développé et les éditeurs de jeux vidéo ont choisi à leur tour d'occuper une place très importante sur le devant de la scène internationale. Si le « hardcore gamer » n'était pas une priorité il n'y a pas si longtemps que cela, désormais c'est une vitrine bichonnée permettant d'accentuer la durée de vie d'une licence à moindre frais tout en assurant des ventes importantes mais surtout continues. La philosophie des créateurs de jeu a changé, ils souhaitent dorénavant contrôler d'une manière plus étroite leurs produits afin, forcément, d'en tirer un maximum de revenus. Le retour des grands groupes informatiques a donc eu lieu et il se poursuit actuellement, mais ces derniers ne peuvent plus prétendre aux mêmes droits que par le passé et il leur est plus difficile de s'imposer comme des pourvoyeurs d'argent, et cela même pour ceux qui étaient restés après la crise de 2008.
La reprise de la croissance
De nos jours les compétitions ont pris une ampleur extrêmement importante et nous avons atteint des niveaux bien supérieurs à ceux que nous connaissions jusqu'en 2008. Si l'ESWC avait commencé à investir des lieux mythiques comme le Palais omnisports de Paris-Bercy, il n'est aujourd'hui pas rare de voir des stades entiers se remplir et même la France parvient à suivre ce modèles utilisant de grandes salles parisiennes à leurs capacités maximales. Le Grand Rex, le Casino de Paris, le Trianon ou bien encore le Zénith de Paris, ces endroits découvrent l'univers du jeu vidéo et nous risquons bien de voir se développer ce type d'événements hors normes. Lors des dernières finales de The International sur Dota 2 ce sont par exemple 10 000 spectateurs qui ont assisté à la grande finale qui se jouait dans le KeyArena de Seattle. Tout ce public présent sur place n'est toutefois qu'une paille devant le nombre croissant de téléspectateurs qui suivent les tournois via le streaming. La vente de Twitch et son développement spectaculaire après seulement trois années d'existence ne peuvent que conforter cet impression de raz-de-marée.
C'est justement en grande partie grâce à Twitch et plus généralement grâce à la nébuleuse entourant le streaming que les marques sont de retour. Toucher une cible jeune qui regarde en moyenne pendant deux heures des vidéos est une chose rare qui, même si les tarifs sont encore loin de la télévision, pousse les entreprises à se bousculer afin d'obtenir un espace publicitaire. On retrouve ainsi des publicités sur les jeux vidéo ou du matériel informatique mais ce n'est pas tout. Les marques de voitures comme Nissan, Peugeot ou Citroën profitent également de l'occasion pour faire leur publicité, idem concernant des marques de boissons comme Coca Cola, Redbull ou Monster. L'alimentaire n'est pas loin non plus puisque les grands groupes se penchent de plus en plus sur la question. Biscuits apéritifs et autres sociétés visant un public de jeunes comme Pringles ont tout intérêt à capter l'attention d'une population qui s'est éloignée des canaux de diffusion habituels.
De nouveaux partenaires
Malgré tout il reste du chemin à parcourir, notamment en France où le sponsoring n'a pas vraiment redécollé depuis 2008. Si les marques souhaitent profiter de la publicité en étant partenaire ponctuel d'événements ou en achetant des espaces publicitaires, elles n'ont pas encore repris le chemin du réel soutien financier des équipes. Certaines toutefois comme Redbull ou Monster vont plus loin que les autres mais elles ne représentent à l'heure actuelle qu'une minorité du marché. On attend surtout des entreprises plus importantes qu'elles tracent la voie, Coca Cola ou Pepsi sont par exemple les grands absents depuis de nombreuses années tout comme McDonald's, Burger King et autres KFC alors que ces derniers pourraient profiter de l'occasion afin de promouvoir leurs produits à une cible fidèle. Il semble d'ailleurs qu'en précurseur de ce phénomène l'industrie pour adultes via YouPorn a compris quel intérêt elle pouvait avoir à se pencher sur la question.
Le monde du sport électronique évolue continuellement et prend clairement de l'ampleur. Il suffit de constater qu'il bénéficie de plus en plus régulièrement d'articles dans des journaux ou d'émissions le concernant. Malgré tout la route est encore longue et nous avons déjà connu suffisamment de changements de direction pour rester suffisamment prudents. Concernant les marques le problème est le même, elles n'osent pas encore investir véritablement dans ce secteur dont il est compliqué encore de distinguer l'avenir. Ponctuellement on peut voir apparaitre des noms comme Red Bull sur StarCraft II, Coca sur League of Legends ou bien Intel avec Counter-Strike: Global Offensive mais aujourd'hui le gros des chèques reste versé par les compagnies dédiées à l'eSport comme la Major League Gaming, l'Electronic Sports League et consorts mais également via les éditeurs qui ont eu saisi, sur le tard il est vrai, tous les avantages qu'ils pouvaient tirer du développement du jeu vidéo de compétition.
Dans tous les cas 2014 aura permis d'écraser les précédents records d'audience, de voir débarquer les jeux vidéo aux X-Games, de dépasser les 10 millions de dollars de cash offerts lors d'une seule compétition et de remplir des stades de plus en plus grands. 2015 promet d'ores et déjà de dépasser une fois encore ces résultats déjà impressionnants. Le rachat de Twitch devrait permettre de développer le streaming, l'assise des grands noms de l'eSport donnera plus de confiance aux éventuels partenaires et le fait que les salles soient pleines permettra également d'attirer de nouveaux sponsors peut-être encore trop frileux. Nous n'en sommes encore aujourd'hui qu'aux prémices d'un changement radical de fonctionnement qui verra arriver de nouveaux codes et peut-être aussi moins de spontanéité.