Vous l'avez peut-être remarqué ces derniers jours, et si ce n'est pas le cas nous nous chargeons de vous informer, la DreamHack Moscou est au cœur d'une polémique née sur les réseaux sociaux ou des forums de sites eSport populaires tels que TeamLiquid.net. L'origine de cette polémique provient du manque de noms connus qui se rendront à l'événement moscovite, ce dernier sera en effet principalement composé de joueurs en provenance de Russie. Sur les 44 participants qui ont validé leur voyage à l'heure actuelle, il se trouve que 34 sont effectivement russes et pour la plupart inconnus de la scène internationale. Ceci a suffi pour mettre le feu aux poudres chez certains qui ont vu dans cette décision des choix politiques d'équipes voir même un boycott de la Russie par des acteurs majeurs du sport électronique. Qu'en est-il vraiment ?
Un boycott de la DreamHack Moscou ?
L'option du boycott de la DreamHack serait une première même s'il est déjà arrivé par le passé que des événements soient boudés volontairement par les équipes ou joueurs. Un exemple peut être pris, il s'agit du fameux KODE5. Cette compétition internationale présentait beaucoup de points positifs, elle s'était montée correctement et avait vu d'ailleurs une de ses étapes se tenir à Moscou où les meilleurs représentants internationaux sur Counter-Strike avaient fait le déplacement. À cette époque nous étions en 2009 et c'était Fnatic qui était sorti vainqueur de la compétition où 25 000 $ étaient promis aux premiers. Si par la suite le KODE5 a été boycotté par les joueurs ce n'est pas à cause des conditions de jeu en Russie ou parce que les participants souhaitaient faire valoir leurs idées politiques. Non, si le KODE5 a disparu c'est tout simplement parce qu'il ne payait pas ses cash prizes. Cette mésaventure aurait pu également arriver à l'ESWC lors de son retour en 2010, les arriérés de paiement des champions de 2008 n'étaient toujours pas réglés et la polémique enflait à l'époque à ce sujet.
En clair lorsqu'il y a eu boycott celui-ci a toujours été motivé par des questions d'argent ou matérielles. L'histoire nous a donc montré à de nombreuses reprises que les joueurs et leurs équipes ne s'intéressaient pas vraiment à la politique. Il n'y a jamais eu aucune médiation d'un joueur se rendant un Chine et arborant un brassard pour défendre les droits de l'homme ou tenter de faire passer un message quelconque. Et cela peut se vérifier dans tous les pays, car toutes les nations hôtes possèdent leur lot de casseroles plus ou moins importantes il est vrai (et même la France n'est pas un modèle pour tous les pays sur notre planète). Les structures n'ont toutefois par le passé eu que deux problèmes : les paiements et les conditions de jeu. Un tournoi réputé pour ne pas payer ses vainqueurs ou pour offrir des conditions de jeu catastrophiques souffrira de sa mauvaise réputation ce qui, par voie de conséquence, motivera un boycott sans qu'aucun autre motif ne soit trouvé.
Fnatic remporte le KODE5 Moscou en 2009
Que se passe-t-il à Moscou ?
Plutôt que d'aller chercher des motivations politiques il convient donc d'aller voir ailleurs le cœur du problème. En effet la DreamHack paye ses joueurs et elle est réputée pour organiser des événements de qualité. Toutefois Moscou a la malchance d'être une étape du circuit Open pour la toute première fois de son histoire. Or si l'on y regarde de plus près, les autres tournois comme ceux de Bucarest ou Valence ont également connu des difficultés à leurs débuts afin de convaincre les joueurs internationaux de se déplacer. De plus contrairement aux deux rendez-vous précédents, il est plus compliqué de se rendre en Russie que dans un pays de l'Union Européenne. Régulièrement la Chine cause également ce type de problème, ou bien on s’aperçoit qu'un joueur hors de l'Union Européenne principalement russe ou ukrainien se retrouve face à un refus d'obtention de visa de sortie tout simplement car les délais d'acquisition de ces derniers sont longs. Cela est malheureusement inhérent à l'administration locale et peut rebuter des participants, notamment asiatiques, qui ne maitrisent pas la langue et n'ont pas de traducteurs leur permettant d'avoir l'assurance de partir et de rentrer sans encombre.
La liste des participants tant décriée présente d'ailleurs principalement des joueurs originaires d'Europe de l'Est qui ont plus de facilités pour se déplacer chez leur voisin. Seuls six noms ne font pas partie d'un pays limitrophe à la Russie et parmi ces six joueurs tous ont le point commun d'être européens même l'Israélien Mark « Adonminus » Ioshpa puisque ce dernier ne se trouve pas en Israël et joue de plus pour une équipe ukrainienne (Team Cascade). Cette liste de participants n'est d'ailleurs pas définitive puisqu'il reste 20 noms à ajouter et qu'il y a fort à parier que des personnalités connues feront le déplacement afin de tenter de remporter les 10 000 $ promis au vainqueur, les points WCS et le ticket d'invitation pour la DreamHack Winter 2014. C'est une stratégie habituelle de communication que de dévoiler lentement les noms des plus célèbres de ses participants et cela n'aurait rien de surprenant que ce soit utilisé par les organisateurs du tournoi de manière à augmenter l'intérêt autour de leur événement.
Les Coréens de la Team Axiom protégés
Pourquoi donc cette polémique ?
Il faut donc croire que certains ont vu dans la surreprésentation russe un échec des organisateurs pour inviter des stars étrangères ou tout simplement les attirer. D'autres pensent qu'il s'agit plutôt d'une décision politique contestataire des grands joueurs internationaux, ces derniers boycottant pour des raisons humanitaires ou morales un pays. Pourtant aucun de ces champions ne s'est exprimé publiquement pour revendiquer une quelconque prise de position au sujet de cette DreamHack Moscou. La contestation par le silence pourrait expliquer cela mais la force du nombre aurait dû délier les langues ... Ce n'est pas le cas. Seule l'intervention du créateur de la Team Axiom sur le forum de la TeamLiquid a donné du crédit à ceux qui pensaient qu'il y avait un boycott de la DreamHack Moscou. Ce dernier a en effet expliqué pourquoi ses joueurs ne se rendraient pas à cette étape du circuit Open :
John « TotalBiscuit » Bain à propos de la DreamHack Moscou (Traduction - Source)
Nous n'envoyons pas de joueurs à la DreamHack Moscou pour plusieurs raisons. Tout d'abord il y a un excès d'homophobie en Russie. Ce n'est pas seulement répugnant moralement, cela pose également un problème de sécurité pour les joueurs. Les hommes coréens sont culturellement très proches les uns des autres. Ils se donnent la main, s'assoient les uns sur les autres etc. ce ne sont pas des choses rares.
En Russie cela pourrait être interprété comme des comportements homosexuels et pourrait entrainer des malentendus qui pourraient mener à de la violence. Il y a de nombreux incidents où les homosexuels, ou ceux que l'on suppose l'être, ont été frappés en Russie.Deuxièmement les agissements des dirigeants russes et leur manière de faire en Ukraine sont des raisons suffisantes pour que nous gardions nos joueurs à l'abri et que nous nous préoccupions de leur sécurité.
Malgré d'autres interventions atténuant ses propos et malgré sa tentative de désamorcer la polémique qu'il venait de créer en modifiant son texte, John « TotalBiscuit » Bain venait de confirmer les théories du complot des uns et des autres. La Russie n'a peut-être pas fait les mêmes choix que certains pays occidentaux, il n'en demeure pas moins que c'est une destination touristique ouverte à tous et qui n'est pas réputée pour être plus dangereuse pour telle ou telle nationalité qui s'y rendrait. On remarquera d'ailleurs qu'à l'heure actuelle sur le site du Quai d'Orsay la Russie n'est pas listée dans les pays à risque tandis que les États-Unis, et plus particulièrement l'île d'Hawaï, le sont pour cause de risque important de cyclone ou de tempête tropicale. On ne peut nier en revanche que les tensions diplomatiques actuelles peuvent retarder la délivrance des visas d'entrée à Moscou, de plus certains médias étrangers ont pu effrayer leurs populations suite au crash du vol MH 17 au-dessus de l'Ukraine mais cela ne devrait pas ternir le spectacle de cette toute première DreamHack en Russie.
L'homosexualité en question en Russie
L'événement saura prouver à ceux qui n'ont pas souhaité s'y rendre pour des raisons politiques ou autres qu'ils ont loupé un tournoi d'importance où finalement, l'absence de tops coréens peut permettre aux autres représentants nationaux de faire le plein de points WCS et de dollars. La contestation peut s'opérer de différentes manières, mais elle ne peut se faire dans le silence, et aucun professionnel du jeu vidéo n'a publiquement mis en avant un quelconque problème avec la politique russe ou les lois de ce pays hormis TotalBiscuit qui est revenu en grande partie sur ce qu'il déclarait.
Rendez-vous donc du 13 au 14 septembre prochains au Stadium Live de Moscou pour assister à un événement qui n'aura rien de différent des précédents, en espérant que malgré toute cette polémique le public sera au rendez-vous et le spectacle également.