Les World Cyber Games, une compétition bien connue de tous les fans de sport électronique et qui pourtant n'aura plus lieu. En effet en février dernier, Brad Lee le président de World Cyber Games Inc, l'entreprise sud-coréenne qui organisait l'événement depuis ses débuts, s'est fendu d'un communiqué bref, mais limpide, dans lequel nous apprenions la mort pure et simple du tournoi international le plus ancien encore en activité. Car les WCG existaient depuis 2000, et ils ont été pendant de longues années le fer de lance de la scène eSportive pendant que les concurrents types Electronic Sports World Cup ou bien la Cyberathlete Professional League traversaient des crises graves nécessitant une cessation d'activité et une revente. Alors Brad Lee aura su résister à la phase la plus compliquée du développement de l'eSport pour finalement chuter alors que tous les indicateurs étaient au vert ? Comment cela est-il possible ?
WCG, de l'ascension fulgurante à la chute brutale
Contrairement à une idée reçue, les World Cyber Games n'ont pas connu un parcours lisse sans embûches. Tout comme leurs concurrents dans l'événementiel eSportif, le tournoi a dû modifier son format, suivre des directions parfois discutables et finalement tout ceci pour une seule raison : survivre. Le milieu de l'eSport peut paraître riche et en pleine croissance, les déclarations des uns et des autres sur leurs gains en streaming, les cashprizes de plus en plus impressionnants et le développement de compétitions de plus en plus professionnelles montées par des éditeurs ou des entreprises aux reins solides permettent notamment à ce discours idéaliste de perdurer. Pourtant tout n'était pas si facile et tout ne l'est clairement pas encore de nos jours. L'exemple des WCG est ainsi symptomatique de cette situation et nous permettra d'y voir plus clair.
FIFA et les WCG une histoire d'amour débutée en 2000
Les World Cyber Games ont donc vu le jour en 2000 grâce à la Corée du Sud et plus particulièrement à la collaboration de deux ministères, celui de la culture et du tourisme ainsi que celui de la communication et de l'information. L’appellation du premier événement dénote des suivantes puisque le terme « Challenge » y était ajouté, cela ne changera pas grand chose et le 7 octobre 2000 est ainsi lancé The World Cyber Game Challenge, première compétition d'une longue lignée sponsorisée par le géant du Pays du Matin calme, Samsung. Les WCG se sont toujours inspirés des Jeux olympiques, c'est ainsi que 17 pays sont invités afin de désigner les champions sur des jeux PC tels que Quake III Arena, FIFA 2000, Age of Empires II ou bien encore StarCraft : Brood War. Le total des gains peut prêter à sourire aujourd'hui, mais les 200 000 $ proposés étaient une sacrée somme à l'époque. N'oubliez pas que le sport électronique en étant à ses débuts, la professionnalisation n'était pas encore là et il n'y avait qu'une poignée d'initiés qui connaissaient ce milieu.
2001 sera une année plus riche pour l'événement mondial. 600 000 $ sont mis en jeu cette fois-ci, Samsung mais surtout l'organisateur World Cyber Games Inc. voient beaucoup plus grand. L'événement tel que nous l'avons connu pendant ses heures de gloire vient officiellement de voir le jour. Séoul accueille les phases finales tandis que chaque pays participant doit organiser des qualifications nationales. Tandis que l'année précédente seuls 174 compétiteurs s'étaient déplacés en Corée, cette fois ce sont 430 joueurs qui se qualifieront tandis que plus de 389 000 participants à travers le globe avaient tenté leur chance. Un concept vient de voir le jour, le succès semble au rendez-vous et sa croissance est énorme. En 2002 il y aura 1 300 000 dollars à se partager, toujours plus de joueurs intéressés pour participer et une audience toujours plus importante. 2003 même recette, le cashprize passe désormais à 2 000 000 de dollars, un record pour l'époque. Cette année sera également celle de l'apparition pour la première fois d'un jeu console (Halo : Combat Evolved) sur Xbox, ce qui entraîne également la participation du géant Microsoft d'une manière plus importante au sponsoring du rendez-vous international.
Impossible d'oublier la victoire d'emuLate sur CS 1.6 en 2007
2004 sera un nouveau tournant, pour la première fois les phases finales quittent la Corée et les WCG se jouent à San Francisco en Californie. Niveau cash, nous en sommes désormais à 2 500 000 $. D'autres villes hors Corée du Sud auront à leur tour la chance d'accueillir l'un des tournois eSport les plus attendus. Singapour en 2005 mais surtout l'Europe ne sera pas en reste grâce à Monza 2006, année où Microsoft devient un sponsor aussi important que Samsung dans l'organisation des compétitions. Cela impliquera une présence exclusive du PC et des consoles Xbox, interdisant à la concurrence de pointer le bout de son nez. C'est également à partir de ce moment-là que l'influence de plus en plus pressante des sponsors se fait ainsi sentir, ces derniers empêchant aux WCG de se développer comme étant un salon du jeu vidéo ou de l'informatique, l'événement devient petit à petit une vitrine de ses partenaires ou toute autre entreprise est exclue.
Avec l'arrivée des World Cyber Games en 2007 à Seattle, on comprend une fois encore l'influence devenue quasi-totale de « la firme de Redmond ». À cette époque le cashprize en est à 4 000 000 de dollars. Par la suite c'est Samsung qui va reprendre la main en intégrant pour la première fois un jeu mobile en 2008 à Cologne. Il s'agissait de Asphalt 4 : Elite Racing et cette apparition, passée presque inaperçue chez les spectateurs, n'augurait rien de bon concernant l'avenir des WCG. Les derniers événements, en 2012 et 2013, se joueront en Chine à Kunshan. Là-bas Samsung déploie toute sa puissance et l'événement a déjà perdu de sa superbe. Les qualifications sont snobées, particulièrement en France où la compétition a perdu en visibilité depuis le retour triomphal de l'ESWC. De plus les World Cyber Games se sont déconnectés de leur base, la liste des jeux sélectionnés arrive sur le tard, n'a plus beaucoup de sens et, finalement, n'intéresse plus grand monde.
Millenium Adel, second des World Cyber Games 2012 sur StarCraft II
Cette perte d'intérêt entraîne forcément le départ des annonceurs, ces derniers quittant le navire chacun leur tour. De plus Microsoft n'est plus sur le bateau depuis quelques années et seul Samsung tenait encore la barque. Le géant coréen a fini par donner le coup de grâce à son propre événement en annonçant des tournois uniquement sur jeux mobiles après avoir occupé entièrement l'espace afin de faire des WCG une filiale commerciale. Pas étonnant donc que l'événement ait disparu, il aura été trop longtemps sous l'influence d'importants sponsors qui auront poussé les dirigeants à faire les mauvais choix et, peut-être, à ne pas voir arriver la seconde phase dans le développement du sport électronique.
Brad Lee, président de WCG Inc. à propos de la fin des WCG (Traduction - Source)
Cette année, World Cyber Games Inc. n'organisera pas de tournois et d’événements, cela inclut des finales mondiales. En conséquence chacun de nos partenaires ne doit plus utiliser notre nom à partir de maintenant. Cette décision a été prise par le comité après avoir considéré la situation générale ainsi que l’environnement actuel de notre secteur d'activité.
C'est une nouvelle choquante pour vous, nous le savons, et l'ensemble du staff des WCG a également été surpris. En 14 années, tout ce que nous avons fait c'est faire des WCG le meilleur événement du monde. Nous avons vécu beaucoup de grands moments construits sur votre engagement. Bien que la marque disparaisse, l'esprit WCG restera à jamais dans le cœur de chaque joueur et des fans. Cette période est difficile et triste pour moi. Quoi qu'il en soit, je dois dire au revoir aux WCG. J'ai apprécié la passion et l'enthousiasme dont vous avez fait preuve durant ces 14 années. J'espère que vos projets grandiront, prospéreront et que nous nous rencontrerons à nouveau bientôt.
WECG, un nouveau venu qui voit déjà grand
Le lien entre les ex-WCG et les nouveaux WECG est simple, déjà dans le nom des deux événements on ne peut que constater la ressemblance frappante des initiales. Ce qui aurait pu sembler être un hasard pour certains n'en est absolument pas un et c'est bien volontairement que la liaison est faite. Les dirigeants des World e-Sports Championship Games assument d'ailleurs l'inspiration qu'ils tirent du prédécesseur disparu. Dans le communiqué de presse diffusé afin d'annoncer la création de la compétition internationale, les liens avec les WCG sont fréquents on apprend d'ailleurs que Bory Jun, l'une des têtes pensantes des World Cyber Games, fait partie intégrante du projet. De plus une partie de l'équipe qui évoluait il y a encore un an aux côtés de Jun l'a suivi. L'objectif des WECG est également le même, se rapprocher des Jeux Olympiques et de leur esprit. Ainsi des qualifications nationales sont organisées de manière à sélectionner les meilleurs joueurs de chaque pays, ces derniers se retrouvant lors d'une phase finale mondiale regroupant toutes les nations participantes. Pourquoi ne pas avoir repris l'ancien nom ? Certainement parce que ce dernier n'a tout simplement pas été cédé par son propriétaire coréen.
Ryu sera l'un des acteurs principaux des WECG 2014
D'autres points communs entre les deux compétitions peuvent malgré tout être trouvés. Que ce soit au niveau de la cible principale située en Asie où les WCG étaient extrêmement populaires, ou bien dans la participation d'un sponsor principal axé jeux mobiles Global Mobile Game Confederation (GMGC). En revanche GMGC ne sera pas seul à supporter l'événement, comme ce fut souvent le cas pour Samsung, puisqu'une autre association puissante s'est associée au projet : Aegis Gaming Networks Inc. (AGN). En revanche, contrairement aux WCG qui avaient pour siège la Corée du Sud, cette fois c'est la Chine qui sera aux commandes. Les finales mondiales se joueront d'ailleurs dans ce pays régulièrement visé par les grands groupes du sport électronique car il possède un potentiel énorme. Cinq grandes villes sont par conséquent en lice afin d'accueillir les phases finales de la compétition. On retrouve ainsi Chengdu, Shanghai, Kunshan, Chongqing et Huaxi.
Morceaux choisis des déclarations de dirigeants des WECG (Source)
Notre objectif est de devenir l'écosystème d'eSport indépendant le plus abouti dans le cadre duquel les meilleurs joueurs au monde s'entraîneront, collaboreront et développeront leurs compétences, offrant à chacun une plateforme pour apprendre les uns des autres et partager avec des millions de fans du monde entier l'enthousiasme que procure le jeu. [...] Je suis impatient de voir la Chine accueillir la première Grande finale WECG. Plus grand marché de l'industrie du jeu vidéo, la Chine est devenue un hub du sport électronique. C'est le meilleur endroit pour entamer un périple WECG. Nous sommes impatients de contribuer à l'essor de l'e-Sport en Chine. [...] Nous sommes ravis de nous lancer dans cet incroyable projet. Nous sommes convaincus que WECG va contribuer à donner de solides assises à l'industrie du jeu vidéo grâce à cette plateforme unique. [...]
Nous espérons créer un écosystème eSport solide en Chine et dans le monde. WECG va jouer un rôle important dans l'avenir du jeu vidéo, et nous soutenons ses ambitions. Ensemble, nous pouvons réunir nos jeunes par le biais du jeu et faire évoluer positivement le monde.
En revanche des modifications ont tout de même été apportées par rapport aux World Cyber Games. Déjà la compétition se déroule sur un an comme auparavant, mais elle se divise en quatre WECG Global Challenge qui se joueront sur quatre continents : Europe, Asie, Amérique du Nord ou du Sud. Ensuite il y aura un WECG Grand Final, c'est d'ailleurs ce dernier tournoi qui se jouera en Chine en accueillera les meilleurs champions de chaque tournoi régional. Les villes sélectionnées aux quatre coins du globe le seront pour une durée de quatre ans, assurant ainsi une récurrence et permettant aux fans de participer de plus en plus nombreux, on l'espère, aux compétitions. Autres modifications, les WCG étaient souvent critiquées pour leur format archaïque. Ils étaient en effet les derniers à fonctionner avec un arbre à simple élimination en « best of 1 », ce qui ne laissait pas franchement de seconde chance et allait à contre-courant des autres événements internationaux d'ampleur. Ensuite les jeux sélectionnés l'ont été en prenant en compte et les intérêts des sponsors et ceux des joueurs. On retrouvera ainsi DotA 2, Ultra Street Fighter IV et Counter-Strike: Global Offensive. Côté sponsors, ce sont le FPS Crisis Action et le jeu de danse Dance Everyday qui ont été retenus. Ces derniers se joueront sur mobiles mais n'auront pas la même place sur le devant de la scène que les titres cités précédemment.
Un nom et deux partenaires principaux pour ce rendez-vous
Plusieurs points demeurent malgré tout à éclaircir. Quand les détails des qualifications seront connus car les finales sont prévues pour décembre 2014 et cela risque d'arriver très vite ? Si la liste des jeux a été dévoilée et que régulièrement l'événement transmet des informations, il semble malgré tout que les dirigeants en soient encore au stade des réunions de calage, espérons qu'ils ne prennent pas trop de retard dans le montage des tournois en eux-mêmes. Autre point important aujourd'hui le lieu, car si la Chine est un excellent choix au niveau du ciblage du public local, les conditions de retransmissions sont généralement compliquées là-bas risquant de rendre le streaming de faible qualité et donc de désintéresser du suivi des compétitions les Occidentaux.
Ce qui peut nous rassurer c'est toutefois le sérieux des dirigeants et la solidité des partenaires. Le ministère chinois des Sports et plus particulièrement du China Sport Information Center (CSIC) sont également des acteurs participant à l'élaboration du projet ce qui rajoute le poids de l’État chinois dans la balance. On retrouve aussi dans l'équipe des personnes ayant travaillé sur les Jeux Olympiques d'été de 2008 qui s'étaient déroulés à Beijing (Pékin) et avaient connu un grand succès d'estime de la part des spectateurs et athlètes. Tout ceci prouve que les anciens des WCG souhaitent vraiment relancer une machine qui avait fait le bonheur des joueurs pendant 14 ans et pour ce faire ils ont vraisemblablement verrouillé beaucoup d'aspects qui avaient posé problème aux World Cyber Games.
Valve à l'honneur avec DotA 2 et CS:GO dans la compétition
Espérons qu'avec les World e-Sports Championship Games le sport électronique mondial retrouvera un événement digne de ce nom capable de raviver la flamme olympique qui s'était éteinte plus tôt cette année. Le cahier des charges semble malgré tout lourd et il ne reste plus beaucoup de temps pour construire ce grand rendez-vous. La première édition risque d'ailleurs d'être une phase bêta et il conviendra de laisser leur chance aux WECG pour nous faire vraiment vibrer d'ici 2015 !