En l'espace de dix ans le sport électronique a bien évolué. Cette discipline particulière qui a vu le jour à la fin des années 90 n'a eu de cesse de prendre de l'ampleur au fil des années. Si les jeux sur lesquels les champions évoluent ont changé, si le matériel utilisé est plus moderne et surtout si internet a multiplié ses capacités de transferts, cela n'est heureusement pas tout. Intéressons-nous donc à un aspect un peu particulier du sport électronique : le cash prize. Ce dernier existe depuis les débuts mais il a bel et bien évolué et à l'heure où DotA 2 avec son The International dépasse les 6 millions de dollars il semblait opportun de se souvenir de ce que nos ainés gagnaient en compétitions il n'y a finalement pas si longtemps que cela.
Les SK Gaming vainqueurs de la CPL Summer 2003
En 2003 donc pour espérer toucher pas mal d'argent il fallait être vraiment bon, c'est à dire dans le Top 2 mondial de sa discipline. Les jeux vidéo porteurs étaient Counter-Strike 1.6, Quake 3 et un certain Warcraft III (en Corée StarCraft bien sûr). Les meilleurs mondiaux sur CS à ce moment là étaient les SK Gaming de Emil « HeatoN » Christensen (actuel patron des NiPsur CS:GO), sur Quake on retrouvait l'Américain John « ZeRo4 » Hill et sur Warcraft III le Bulgare Zdravko « Insomnia » Georgiev. Chose amusante, l'intégralité des cinq joueurs de SK Gaming plus nos deux stars sur des jeux individuels n'arrivent même pas, tout cumulé, à atteindre le Top 10 des personnalités les plus riches la saison précédente. A dire vrai nos anciens se retrouvent onzièmes avec un total d'un peu plus de 205 000 $, tandis que le dixième du classement de 2013 (hors salaires), le Coréen de League of Legends Jung « Impact » Eon Yeong, possède un portefeuille à 219 000 $.
Vous ne rêvez pas, en faisant la somme des gains des sept meilleurs mondiaux de 2003 nous n'arrivons pas à faire mieux qu'un seul joueur aujourd'hui placé dixième. C'est dire si le sport électronique a évolué car l'inflation n'a pas pu avoir autant d'impact sur les montants des cash prizes à remporter en tournoi. Et le pire, ou plutôt le mieux dans tout cela, c'est que ce n'est pas terminé. Les cagnottes s'affolent, les clubs et joueurs multiplient les sources de revenus et les contrats publicitaires. Il n'est pas étonnant de nos jours de voir des champions s'assumer financièrement seuls ce qui était impossible il y a dix ans. Car à l'époque le streaming n'existait pas, tout comme les salaires en club qui étaient réservés à une élite et peu élevés, on se souvient d'ailleurs de l'épisode entre les SK Gaming de HeatoN et leur club suite à des problèmes de reversement du cash prize qu'ils avaient remporté en tournois.
Un certain MoMaN pendant l'ESWC 2003 sur Counter-Strike - crédit aAa.eu
Pour ceux qui ont oublié ou n'étaient pas là un petit rappel s'impose tout de même. En 2005 SK Gaming qui était la meilleure équipe Counter-Strike du monde et de loin éclate. Les joueurs sont en conflit avec leurs dirigeants réclamant l'argent qui leur revient. Après avoir dominé la scène internationale pendant plusieurs années ils s’aperçoivent que ceux en qui ils avaient confiance se goinfrent sur leur dos. Au final ce clash mènera au premier retour du Ninjas in Pyjamas aujourd'hui très actifs sur Counter-Strike : Global Offensive. Difficile d'imaginer aujourd'hui que des champions à un niveau équivalent, c'est à dire des joueurs quasiment invaincus pendant plus de trois saisons, ne récoltent pas les fruits de leurs victoires. Avec la montée des récompenses sont venus se greffer les contrats même si ces derniers protègent encore aujourd'hui davantage les clubs que les joueurs, mais c'est surtout l'arrivée des éditeurs et le ménage qui a eu lieu au niveau des événements (disparition des mauvais payeurs) qui a permis de réduire un tant soit peu les arnaques de ce type.
Top 10 de 2003 via e-Sports Earnings
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Top 10 de 2013 via e-Sports Earnings
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Alors à vous joueurs de 2014 imaginez ce que vos successeurs auront sous la main si vous constatez qu'entre 2003 et 2013 le plus efficace d'entre vous en tournoi a multiplié par dix ses gains tout en disputant moins de tournois LAN et en voyageant moins. C'est le revers de la médaille de cette évolution, plus de grands événements et des connexions internet bien plus efficaces et s'en est terminé des voyages tous les mois pour aller tenter sa chance à l'étranger. Désormais on peut très bien gagner sa vie depuis sa chambre, un verre de coca à la main du moment que le stream, les fans et les résultats s'enchainent !
Rendez-vous dans dix ans donc pour un nouveau bilan qui sera, soyez en sûr, tout aussi impressionnant.