Tous ceux qui suivent la scène StarCraft II depuis ses débuts ont déjà lu ou entendu parler de ce pseudo à ne pas confondre avec la superstar de Counter-Strike suédoise Patrik « cArn » Sättermon. Non le Français qui nous intéresse aujourd'hui est beaucoup moins célèbre et son palmarès est vierge de tout titre, mais alors comment se fait-il qu'il puisse bénéficier d'un article le concernant ? Tout simplement parce que Souaib « cArn » Hanaf a eu un parcours sur StarCraft II comme jamais nous n'en avions connu, et peut-être que cela ne se reproduira jamais d'ailleurs. Il méritait donc que nous nous arrêtions sur ce joueur qui aura fait énormément parler et dont nous n'avons plus de nouvelles depuis l'été 2013, date de son retour en France. Car il y en a des choses à dire le concernant et une rétrospective de sa carrière sur le célèbre RTS de Blizzard n'était pas du luxe.
cArn tentant de se qualifier pour le Code A en 2012
Mais d'abord il faut commencer par le début, cArn est un ancien joueur amateur sur DotA qui était connu en France mais sans plus. Il débarque en Corée du Sud à l'âge de 23 ans alors qu'il termine ses études en école d'ingénieur. A ce moment là nous sommes en octobre 2010 et StarCraft 2 commence à faire clairement parler de lui dans l'univers de la compétition. Les Coréens mettent en place doucement leur scène compétitive et cArn arrive pile dans cette période de flottement, il en profitera pour se faire remarquer.
L'aventure de cArn dans la compétition débute difficilement, il vit tout d'abord seul dans un appartement en Corée et s'entraine en individuel avec acharnement. Cette situation ne lui permet pas véritablement de corriger ses erreurs mais il fait malgré tout partie, à cette époque là, des meilleurs joueurs présents au pays du matin calme. Terran agressif, cArn participe en octobre 2010 à la seconde Global StarCraft II League où il se fait éliminer d'entrée de jeu. L'événement ne se déroulait pas à l'époque comme on le connait aujourd'hui, cela n'a toutefois pas permis au français de parvenir à se qualifier. Un mois plus tard il est de retour lors de la troisième édition de la GSL avec cette fois-ci un entrainement plus important, il terminera sa journée sur deux victoires et une défaite décisive qui va malheureusement l'exclure prématurément de la compétition. Noté que ce résultat final sera sa meilleure performance tout au long de sa longue carrière en GSL.
Artosis à la rencontre de cArn en novembre 2010 pendant la GSL 3
Cela n'empêche pas certaines acteurs de voir du potentiel chez cArn, notamment un commentateur américain bien célèbre Dan « Artosis » Stemkoski. Ce dernier réalise alors la première interview vidéo du joueur et va le prendre sous son aile en l'aidant notamment à rejoindre une équipe mais également une « gaming house ». Car cArn jouait dans des conditions exécrables à ce moment là. Si son objectif avancé dès le départ était de devenir professionnel et de réussir une carrière dans le sport électronique, il est clairement parti à l'aveuglette sans se douter de tous les obstacles qu'il allait affronter. Il débute d'ailleurs son rêve avec un PC portable, ce qui rendra sa première participation à un tournoi impossible car il a dû jouer sur un clavier coréen qu'il ne maitrisait pas ... Il s'entraine difficilement chez lui et peine à s'intégrer dans ce pays inconnu.
Pourtant il garde la motivation et se présente malgré tout toujours avec ponctualité à la GSL où il parvient quand même à battre des concurrents, même si ce n'est pas suffisant pour qu'il atteigne l'élite. Le temps passe et le parcours de cArn s'éclaircit petit à petit même s'il n'est toujours pas parvenu à se qualifier pour le Code A malgré toutes ses tentatives. De l'avis général son niveau augmente et est même très bon, il n'a rien à envier à ses concurrents si ce n'est l'expérience et la détermination. Désormais notre français s'entraine avec les joueurs de la Team fOu, l'une des meilleures à l'époque, et il espère bien les rejoindre dès le mois de février 2011. Ce transfert n'aura pourtant jamais lieu officiellement. Souaib « cArn » Hanaf va toutefois pouvoir bénéficier d'un soutien inattendu, Artosis l'aide en effet à intégrer la GomTV House où le Français va pouvoir s'installer pendant plusieurs mois et où il se retrouve aux côtés d'autres étrangers notamment Jonathan « Jinro » Walsh de la TeamLiquid et le Fnatic Yang « Sen » Chia Cheng qui cartonnent tous les deux à cette époque là.
Artosis à nouveau avec cArn en janvier 2011 pendant la GSL Janvier
Mais comme vous vous en doutez ce moment d’accalmie ne durera pas, notamment parce que cArn n'arrive toujours pas à percer sur le devant de la scène et qu'il n'est toujours pas parvenu à se qualifier pour le Code A. En juin 2011, après avoir passé six mois dans la GomTV House, le joueur tricolore est invité à quitter les lieux afin de laisser la place aux FXO qui viennent s'installer, principalement d'ailleurs à cause de l'Américain Shawn « Sheth » Simon qui réclame de la tranquillit. De retour dehors, Souaib doit chercher une fois de plus un logement où s'entrainer et surtout vivre. Il tente également depuis plusieurs mois de se faire connaitre en Europe notamment via une tentative infructueuse de stream sur la plateforme Gamecreds. Mais depuis la Corée la connexion sur les serveurs Dailymotion est on ne peut plus compliquée.
Qu'à cela ne tienne il rencontre celui qui sera son manager chez eSahara et se fait ainsi recruter en tant que joueur professionnel avec salaire dans cette jeune organisation française qui vient tout juste de se monter. Nous sommes désormais au mois de juillet 2011, cArn a mis presque un an pour trouver une équipe qui accepte de le salarier, il a beaucoup de difficultés pour se loger et vivre en Corée tandis que s'ajoute à cela l'absence de qualification pour la Code A. Le joueur passe ainsi tout l'été à tenter de corriger ses erreurs, il s'était donné un an pour arriver à ses fins, il décide de doubler ce délai en restant une année supplémentaire en Corée du Sud. Deux objectifs s'offrent à lui à la rentrée, l'ESWC 2011 pour lequel il va participer en tant que représentant du Maroc (la double nationalité ça aide), et encore et toujours le Code A qu'il ne lâchera finalement jamais.
cArn encore et toujours à la recherche de victoires début 2013
Premier tournoi qu'il dispute sous ses nouvelles couleurs donc, le tour préliminaire qualificatif pour le Code A en août 2011 où cette fois encore il n'y arrive pas en se faisant sortir sèchement dès son premier match contre le Zerg Coréen Cezanne. Il a encore une chance de faire ses preuves en Chine ce mois-ci puisqu'il est invité pour disputer la CPL Invitational 2011 mais cette fois c'est un problème de Visa qui l'oblige à reprendre l'avion immédiatement direction Séoul sans qu'il n'ait pu jouer une seule rencontre. Fin septembre il retente sa chance au tour préliminaire qualificatif pour le Code A, il perd 2-0 au premier tour et la journée est terminée pour lui. Il doit se concentrer désormais sur l'ESWC. Beaucoup en France se posent la question de savoir quel est le niveau véritable de ce joueur atypique dont on commence à entendre parler mais qui n'a jamais fait ses preuves.
Ses session de streaming démontrent qu'il possède un haut niveau de jeu, il est très bien classé sur le ladder coréen mais il en faudra plus pour convaincre les Français qu'il mérite leur soutien surtout suite à ses nombreux déboires. Le parcours sombre de cArn va connaitre un tournant en octobre 2011, un mois après son élimination prématurée dans les qualifications pour la GSL il débarque à Paris pour disputer l'ESWC sous les couleurs du Maroc. Il tombe dans le groupe 5 où se trouvent également Stephano, Grubby, NightEnD, sLivko et le Bolivien Leugim. Le résultat ? Décevant ! Une seule victoire obtenue pour quatre défaites, seul Leugim lui permettra d'empocher deux points sinon il se fait laminer par ses adversaires européens sans parvenir à marquer la moindre carte. Tout s'écroule à ce moment précis, pour les Français ce joueur ne mérite pas tout le tapage fait autour de son cas mais son équipe eSahara continuera malgré tout de le soutenir, sachant qu'eux aussi connaissent pas mal de problèmes en interne quant à leur légitimité sur la scène eSportive.
Après cet Electronic Sports World Cup manquée et suite aux nombreuses critiques qu'il a pu recevoir lors de son retour en France, cArn décide de passer quelques semaines chez nous pour se ressourcer. Cela fait maintenant un peu plus d'un an qu'il est parti et le résultat est bien loin de ses propres attentes. En janvier 2012 il refait parler de lui en quittant eSahara suite à une perte de motivation. Il était pourtant retourné en Corée fin 2011 mais sa non qualification, une fois de plus, pour le Code A lui aura porté un nouveau coup à son moral déjà bien fragile. Malgré tout il n'abandonne pas son rêve et continue sans relâche de tenter de se qualifier pour cette foutue GSL qui se refuse à lui.
Mars, mai, août, octobre 2012 et même janvier 2013, jamais il n'y sera parvenu arrivant au mieux à atteindre les quarts de finale, insuffisant pour parvenir à avoir la chance d'intégrer la seconde division de la Global StarCraft League. Les problèmes ne sont d'ailleurs pas finis pour le Franco-Marocain, en août 2012 Souaib « cArn » Hanaf était recruté par les Américains de Blight Gaming, une structure fantôme connue pour arnaquer ses joueurs en ne les payant pas. C'est donc tout logiquement qu'il quitte ce club deux mois plus tard cumulant difficultés financières et absence de résultats en tournois. Il rejoindra ensuite Eternity Gaming en octobre 2012, une jeune structure anglaise avec laquelle il évoluera dans d'assez bonnes conditions. Il reprend d'ailleurs activement ses sessions de streaming, s'entraine comme rarement et semble avoir retrouvé toute sa motivation. On peut également le voir de temps à autre s'essayer à DotA 2, rappelez-vous qu'à la base c'était son jeu de prédilection.
cArn passe le bonjour dans le public de la Global StarCraft League
Il choisira finalement de mettre StarCraft II de côté quelques mois plus tard alors qu'il n'est toujours pas parvenu à se qualifier pour le Code A. Cette compétition aura eu raison de lui, son obstination et l'absence de reconnaissance qu'il y aura trouvé auront miné grandement les capacités de ce jeune joueur. Car Souaib « cArn » Hanaf était l'un des français les plus prometteurs sur le jeu de Blizzard. A ses débuts nul ne doute qu'il fait clairement partie des meilleurs occidentaux dans le monde, il lui aura finalement manqué un endroit où s'entrainer aux côtés d'autres joueurs. C'est d'ailleurs ce qu'il aura réclamé tout en long de sa carrière, regrettant toujours son départ de la GomTV house en juillet 2012 lorsque les FXO l'ont forcé à s'en aller.
Ce qu'il faut retenir de cArn c'est un acharnement et une obstination rares, quelqu'un qui a voulu vivre un rêve et a souhaité tout quitter pour ne rien regretter. L'idée de l'échec ne lui était même pas venue à l'esprit, il pensait avec assurance qu'il parviendrait à devenir un joueur professionnel un jour ou l'autre étant donné qu'il jouait dans le pays où se trouvent les meilleurs. Toujours humble, très réservé et pas franchement enclin à s'étaler dans les médias, son comportement aura été exemplaire tout au long de sa carrière. Car plus d'un joueur aurait arrêté avant lui, beaucoup n'auraient pas supporté cette vie de bohème dictée par les aléas d'un jeu vidéo.
N'oublions donc pas ceux qui, même s'ils n'ont pas su briller en compétition, ont tout de même fait vivre le sport électronique à leur manière. Souhaitons également tout le meilleur pour la suite de ce joueur qui n'a peut être pas dit son dernier mot (il a opéré fin 2013 une bascule totale sur DotA 2) et que tout fan Français de StarCraft se doit de connaitre !