Coup de Vieux N°12 : La Super Nintendo
An de grâce 1992. Sega, le rival, occupe déjà le vieux continent depuis plus d'un an avec sa Megadrive surpuissante. Alors que nous ignorions tout de la bataille qui s'était déjà amorcée aux Etats-Unis et en Asie, que nous ne pouvions nous renseigner que par le biais de magazines spécialisées, un certain document vint définitivement déterrer la hache de guerre! Forte d'un line-up en béton et de technologies tape-à-l'œil, elle était prête à faire parler la poudre... Seulement nous étions encore trop jeunes et innocents : les souvenirs que cette avalanche de hits nous laissera resteront à jamais gravés dans nos cœurs. Merci à toi, Super Nintendo!
Caractéristiques tec... Wait, what?
Non non non, je ne peux m'y résoudre ! Pour tout vous dire, j'étais en train d'écrire cet article depuis le début de l'après-midi de manière totalement factuelle puis je me suis arrêté en plein milieu et me suis dit : "A quoi bon ?" Je vais à la place vous raconter l'histoire fictive d'un N-sex tout aussi fictif, que l'on nommera, bah euh chai pas moi... Bobby. Allez, on est des oufs, on va se la jouer Nostalgie-land: les plus jeunes dans le fond, asseyez-vous en tailleur et écoutez bien l'histoire que tonton Lloyd va vous raconter, elle risque de vous intéresser (au pire si ça vous intéresse pas, y'a des Playmobil au fond de la salle).
Fascination
Bobby aime sa Nes! Ça fait maintenant plus de deux ans qu'une pelletée de titres lui est passée entre les mains : des bons, mais aussi pas mal de daubes. Bah ouais, ce dernier n'ayant pas de moyen de se renseigner sur les jeux, il demandait parfois des jeux de qualité douteuse basés sur les trucs qu'il aimait regarder à la télé... Enfin, des daubes... Ça il ne le savait pas et même s'il ne faisait que recommencer les trois premiers stages des Tortues Ninja, ça ne l'empêchait pas de beaucoup l'aimer. Élevé dans le culte Nintendo, il avait toujours méprisé Sega et ses clients. Pourquoi, ça, Bobby ne le savait pas vraiment. Il n'avait même aucune idée de ce à quoi ressemblait une master system et ne cherchait même pas à savoir quels jeux étaient sortis dessus.
Notre cher gamin fictif préférait s'extasier sur la queue de Tanuki d'un SuperMario Bros 3 fraîchement débarqué dans son port cartouche. Et je peux vous dire qu'il s'est pris un de ces pieds monstrueux! Après la grosse tarte qu'il venait de se manger, Bobby se dit que jamais les jeux vidéo ne sauraient être meilleurs. Mais un jour qu'il accompagnait son paternel acheter ses Gitanes maïs au PMU du coin, notre Nboy vit dans le film plastique d'un des magazines du présentoir, une bonne grosse boîte contenant l'intitulé "Super Nintendo". "Wut? C'est quoi ce machin?" Il ne lui restait plus qu'à supplier Murray (son pater, faut suivre) de lui acheter ce fameux magazine et le précieux sésame qu'il renfermait. Arrivé chez lui, il enleva ses chaussures à scratch en moins de temps qu'il ne faut pour le dire et inséra la K7 dans ce bijou de technologie appelé magnétoscope. Il y vit ceci:
8 boutons de commandes
effets de zoom
effets de distorsion, de rotation
scrolling différentiel
3D
Révélation
Onze avril 1992, le facteur sonne à la porte. Dans ses bras, un colis contenant la machine que la vidéo promo avait vendu à Bobby. Déballant le colis avec maladresse et conviction, il en sortit un bundle Super nintendo/Super Mario World flambant neuf. Tremblotant, il brancha la console sur le petit écran cathodique de sa chambre. Ne restait plus qu'à sortir le jeu de sa boîte cartonnée et de son film plastique! CLAC! Bouton power enclenché, diode rouge allumée, manette en main et verre de limonade posé à côté de lui. Il ne le savait pas encore, mais ce bruit de console qui s'allume, il allait l'entendre des milliers de fois. L'intro se lance, Mario court, casquette au vent, et saute sur une espèce de bestiole verte qui lui sert alors de monture. Le titre du jeu brille de mille feux au dessus de cette scène hallucinogène.
SUPER MARIO WORLD MUTHAFUCKA! Une pression sur le bouton Start et là, l'enfançon arrive sur trois lignes identiques, posées les unes sur les autres. Car oui, avoir des fichiers de sauvegarde, c'était relativement inédit à l'époque! Vous vous en doutez, notre jeune ami passera sa journée sur le jeu, découvrant avec émerveillement un level-design inventif, des nouveautés de gameplay qui dynamisent l'expérience de jeu d'une belle manière et des mélodies qui resteront gravées dans sa mémoire jusqu'à ce qu'il passe de vie à trépas. Et oui m'ssieurs dames, la claque était là! Pas d'annonces trois ans avant où tout le jeu était posté par vidéos de cinq minutes jusqu'à la date de sortie officielle du soft. Acheter un jeu à l'époque, si on n'avait pas les moyens de s'acheter de magazines, c'était sauter dans l'inconnu les deux pieds en avant et être contraint de se forger un avis par soi-même avant de l'encenser ou de lui cracher dessus.
Tentation
Pour 500 francs par jeu, Bobby aura endossé les rôles de plombier moustachu, de renard pilote de l'espace, d’opossum à jet-pack, de chasseur de vampires, de monocycle, de porteur d'une épée mystique, de Bart Simpson, de karatéka lanceur de boules de feu, de Sangohan, de tortue ninja, de batman, d'Aladdin, du Roi Lion, de visiteur d'un autre monde, de personnages Looney Toons, de pilote de karting lanceur de carapace, d'apprenti pilote, de mercenaire spatiale, de petite boule rose, de déclencheur de FATALITY, de gorille à cravate et de son pote ouistiti à casquette, de super-héros cradingue, d'un Animaniac, d'elfe à tunique verte, de docteur, de maire, de propriétaire d'un parc à thèmes...
Fort de toutes les expériences qu'il avait vécu grâce à son Graal gris, il était enfin prêt à aller débattre avec ses collègues de la cour de récré. Pensant avoir tout vu, tout vécu en matière de jeux vidéo, qu'elle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit qu'on lui opposait des arguments, avec toujours le même nom qui revenait sans cesse : Megadrive... Apparemment sortie avant la snes, Bobby n'en avait jamais entendu parler. À quoi pouvait donc ressembler cette machine qui ne vaudrait de toute façon pas un clou face à la puissance de la Super Nintendo?
Le mercredi suivant, il décida donc d'aller se faire un avis par lui-même chez son pote Pierrot. Arrivé au coin TV de ce dernier, Nboy vit l'objet à l'origine de toutes ses contrariétés : noire, racée, provocante, la bestiole tapa irrémédiablement dans l’œil de notre personnage fictif qui en resta bouche bée... "Regarde, je vais te montrer Sonic!""Sonic?" Pierrot tendit une boîte de K7 vidéo noire à son pote, contenant une cartouche bien plus petite que celle de la Super Nintendo. Bobby se remémora alors toutes ses boîtes de jeux Super Nintendo parties en lambeaux à cause de leur trop grande fragilité. Il reconnaissait la praticité des boîtes de la MD, mais il ne put s'empêcher de les trouver moins belles et trop sobres. Pierrot lança la cartouche et un gros SEEEEEEEEEEEEEEEGA se fit entendre. Wow, une voix digit' comme ça d'entrée de jeu... Nboy se crispa!
Et si c'était vraiment la Megadrive la meilleure des deux... Et si tous les souvenirs accumulés grâce à la Super Nintendo n'étaient que "bons" et ne représentaient en rien ce qui se faisait de mieux en matière de JV ? Ce que Nboy ignorait, c'est que bien loin de chez lui et de ses questionnements superficiels de jeune adolescent, la relève de ces deux machines étaient déjà là, et elles s'appelaient Saturn et Playstation. Tout allait changer très vite: Panzer Dragoon, Resident Evil, Tekken... Dafuck was that?! La 3D, même à ses balbutiements, arrivait à happer le moindre gamer osant poser son globe oculaire dessus.
Nostalgie
Plusieurs années s'étaient écoulées et Bobby avait pu voir de nombreuses générations de consoles passées devant ses yeux. La N64, la Dreamcast, les deux premières Playstation... Elles avaient toutes fait un séjour plus ou moins long dans son salon. Il avait vu la production vidéo-ludique se flétrir sur elle-même tandis que le média devenait de plus en plus populaire et représentait une manne financière non-négligeable pour les investisseurs de tout bord.
Dans cet état des lieux qui ne tient qu'à lui, il ne put s'empêcher de repenser à l'époque bénie où il lançait un des nombreux jeux de sa chère Super Nintendo. Quant à sa vision de Sega et de ses machines, il n'avait désormais plus aucune rancune envers elles... Ayant eu la chance de posséder une Megadrive, il savait désormais que plus que toute concurrence, c'était la complémentarité de ces deux machines qu'il fallait retenir. L'ère 16-bits comptait énormément pour lui, c'était désormais bien plus que du jeu vidéo, c'était une partie de sa vie.