D'un côté, un jeu de cartes (TCG). De l'autre, un jeu de stratégie en temps réel (RTS). De prime abord, tenter de comparer ces deux-là serait comme essayer de vous convaincre que le bridge et le ski acrobatique sont similaires. Pourtant, StarCraft II et HearthStone ont plus de points communs que ce que beaucoup veulent bien admettre, et pourraient même se faire concurrence.
En effet, même si vous ne suivez la scène StarCraft II que de loin, vous êtes probablement au courant qu'un certain nombre de joueurs et de commentateurs professionnels se sont mis à HearthStone. Artosis en tête, on pourrait aussi citer StrifeCro, ancien joueur SC2 de chez Evil Geniuses et récent vainqueur de la SeatStory Cup HearthStone, ou encore Sjow qui streame de plus en plus sur le TCG de Blizzard. Dans l'Hexagone, Divi, Llewellys, MoMaN, SonG, Thud sont également de bons exemples. Il ne s'agit pas nécessairement d'une transition totale, mais toujours est-il que HearthStone attire un nombre croissant d'intervenants de la sphère SC2.
D'où vient donc la force de la HearthStonite, cette petite pierre aux pouvoirs magiques à laquelle seul YoGo semble résister ? C'est la question que je me suis posée, et à laquelle je vais tenter de répondre en restant le plus neutre possible.
(Source : Cinemablend.com)
Le temps, c'est de l'argent
Lorsqu'on se demande ce qui attire les joueurs de SC2 sur HearthStone, le premier constat que l'on fait c'est le gain de temps. Si vous avez une heure à tuer entre deux cours, c'est souvent difficile de lancer une partie de ladder sur StarCraft. Élitiste au possible et extrêmement chronophage, SC2 requiert un temps d'échauffement ne serait-ce que pour se délier les doigts. Viennent ensuite l'entraînement, le développement des Builds Orders, l'optimisation desdits BOs, et tout le toutim. Bref, un RTS.
Le jeu demande quatre à cinq heures de pratique quotidienne au bas-mot si l'on veut espérer un jour faire partie de l'élite de l'élite, les rares à pouvoir prétendre remporter... une Zotac... un jour. Cent euros. Eh oui, StarCraft II ne remplira pas votre assiette, à moins que vous soyez Jaedong ou Polt. Ce constat amer a toujours été d'actualité, mais il l'est encore plus maintenant. Comment un joueur pro ou semi-pro de SC2, en France qui plus est, pourrait-il en vivre à l'heure actuelle ? Pas de SC2 à l'ESWC, pas de WCG en 2014, un format WCS inaccessible à la plupart des joueurs semi-pro, un nombre de LANs qui ne fait que décroître, tout comme le nombre de viewers des streams de ladder. Le paysage est devenu assez désertique en ce qui concerne le RTS de Blizzard et c'est en partie la faute de son propre développeur.
Je ne vous apprendrai rien en affirmant que HearthStone compense tous ces aspects négatifs de StarCraft II. Jeu eSport en devenir, le TCG de Blizzard tient à lui seul toutes les promesses déchues de SC2 en 2014. La scène HearthStone se développe à vitesse grand V et offre ce tremplin que l'esport sur StarCraft II ne propose plus depuis longtemps. Pour les joueurs qui cherchent à vivre de l'esport ou même à simplement se faire connaître, pour les WebTV vu le nombre croissant de viewers, pour les sponsors enfin, Heroes of Warcraft est un nouvel Univers, une terre vierge à conquérir, et accessoirement une manne potentielle.
De l'or dans les cartes.
De l'esport au singulier
Partons donc du principe que vous êtes un (ex-)joueur semi-pro de StarCraft II tentant de mettre du beurre dans vos épinards. Pourquoi choisir HearthStone et pas un MOBA ou un FPS ? Tout simplement parce que HS est la seule alternative à SC2 qui ne se joue pas en équipe dans le paysage esportif actuel. Habitué à réfléchir à 200 à l'heure dans SC2, HearthStone vous apparaîtra comme une promenade de santé. N'en déplaise aux inconditionnels des TCG, on ne joue pas dans la même cour en termes de vitesse de jeu. Un tour dure 90s, c'est le temps approximatif que met le Boost Métabolique à être recherché (en temps IRL). Inévitablement, le joueur SC2 a un avantage considérable lorsqu'il se met à HearthStone.
Même d'un point de vue non-professionnel, HearthStone représente une alternative idéale à SC2. Combien de joueurs en ligue Or ou Platine ont-ils vainement tenté de monter Master, et ont péniblement atteint la ligue Diamant au bout de six mois ? Force est de constater que lorsqu'on poursuit des études, ou que l'on travaille toute la journée, on n'a pas toujours envie de lancer un 1v1 pour gagner trois rangs dans le classement de sa ligue Platine en rentrant le soir. HearthStone offre la stratégie et le côté « 1v1 compétitif » en épargnant l'entraînement mécanique absolument incontournable dans StarCraft II. Et puis, argument non-négligeable, vous restez dans l'univers Blizzard.
Il nous ont volé nos unités ! Pirates !
On retrouve donc dans HearthStone nombre de caractéristiques d'un jeu de stratégie individualiste, caractéristiques communes à StarCraft II. Conceptuellement, jouer « agro » sur HS revient à réaliser un cheese ou un all-in sur SC2. Il en va de même pour le jeu « contrôle », qui serait comme jouer « macro » dans un RTS. Les Murlocs sont à HearthStone ce que le 10-Pool est à StarCraft II, etc. Si l'on pousse un peu plus avant la comparaison, la construction d'un deck est l'équivalent du choix des maps et des BOs.
Enfin, l'une des plus grosses ressemblances réside dans le mode de classement. Le ladder sur HearthStone comme sur StarCraft II ne représente en effet pas vraiment le niveau du joueur. Concrètement - Gaulzi sur SC2 et Trump sur HearthStone l'ont montré - on peut monter Grand-Master ou Légendaire en ne faisant que des stratégies pourries ou ne nécessitant pas de dépenser d'argent dans le jeu. Le ladder est donc simplement une plateforme d'entraînement.
Kerrigan trouve que Jaina commence à un peu trop se la péter dans la cour de récré.
Les limites de la comparaison
Pour commencer, HearthStone vient juste de sortir (la nuit dernière aux US). De ce fait, son assise en tant que jeu esport n'en est qu'à ses balbultiements. Des cups online sont organisées, dont des Zotac, mais les outils manquent pour pouvoir contrôler ces tournois. Mode observateur, mode « referee » comme dans StarCraft II, replays, historique des matchs, et même un chat pardi ! Les admins n'ont donc, concrètement, aucun contrôle à l'heure actuelle sur les tournois en ligne.
Qui plus est, la manne que représente HearthStone pourrait jouer en sa défaveur. Tout le monde veut sa part du gâteau, mais au final, comme sur StarCraft II ou dans n'importe quel jeu esport, il n'y aura pas de place pour tout le monde. Car attention, HearthStone est loin d'être le simple jeu « casu » du moment. Arrivé à un certain niveau, tout réside dans l'art de réduire le facteur chance. Comme disait Confucius : « La chance est bien souvent un hasard qui se provoque » - merci Barnophis. À l'instar du poker, il est plus question de probabilités que de chance. Ça a toujours été le cas dans les jeux de cartes (Magic The Gathering, WoW TCG, Duel of Champions) et HearthStone n'y fait pas exception.
Sur StarCraft II, point de facteur chance à contrôler. Au mieux pourrez-vous bénéficier d'un « Build Order win », et encore, même cet aspect-là du jeu est discutable. La comparaison entre SC2 et HearthStone a donc bien évidemment ses limites. Le RTS restant un jeu allant très très vite, où il faut savoir pianoter aussi vite qu'on réfléchit - ou l'inverse pour certains. On ne joue pas par tour, mais en simultané et c'est bien la plus grande difficulté d'un jeu comme StarCraft II. Autrement dit, je ne vais quand même pas prêcher contre ma paroisse.
La question qui reste en suspens est donc : Y a-t-il de la place pour les deux jeux ? Brood War et WarCraft III avaient coexisté, et il s'agissait de deux RTS. À fortiori, on pourrait penser que StarCraft II et HearthStone peuvent suivre le même chemin. Mais la cohabitation risque fort d'être décidée par Blizzard car, quoiqu'il arrive, ce sont eux qui ont les cartes en main.
Merci à BarnY, SonG et Zerh pour leur aide.