Beaucoup de joueurs de FPS, surtout ceux évoluant sur la scène pro, estiment à tort ou à raison qu'un jeu de tir à la première personne se doit de rester le plus pur possible dans ses mécanismes de jeu. Aucune aide de jeu, aucun bonus de buff ingame, pour garantir un équilibre prégnant durant les matchs en compétitions. Cette particularité fait office de « tradition » pour les plus fervents défenseurs de la scène Counter Strike. Tout duel doit se jouer au skill et tant pis si vous n'aviez pas assez de ressources pour vous acheter l'arme qu'il vous fallait en début de round. Pourtant le protocole est là : développer le bon jeu, influe directement le meta-game d'une partie. Non pas sur la seule valeur du talent du joueur, mais par extension aussi de ce qui peut déterminer à rendre les joueurs meilleurs en jeu avec un stuff gagné « honnêtement ».
Il faut le souligner, pour que l'équilibre d'un jeu soit optimal, il faut aussi que ses caractéristiques le permettent. Et bien sûr, créer une licence qui peut être déclinée sous la forme eSportive n'est pas si évident. Le game design d'un jeu est la source qui validera toutes les mises en place compétitive. Un mode de jeu manquant, des cartes inadaptées, des mécaniques trop opaques ou inflexibles, et c'est assurément l'exclusion d'un format compétitif pour le soft. La paramétrabilité de certains titres a permis aux communautés d'établir des règles, de construire leurs jeux afin de leur donner les qualités requises pour être adaptées dans un contexte eSportif. C'est avant tout la liberté permise aux joueurs dans l'agencement de leurs jeux qui offre cette possibilité. Ne reste plus que des règles à fixer pour garantir un écosystème tangible aux joueurs pour exprimer le potentiel du jeu.
Team Fortress 2, des classes et des figures
Pour Team Fortress 2 par exemple, il aurait été inconsidéré de valider ou d'établir des paramètres équilibrés en incluant l'utilisation des chapeaux en compétition. Les chapeaux de TF2 offrent chacun un buff et un debuff permettant de changer les stats du personnage joué ou même certaines de ses caractéristiques ou compétences. Se projeter dans un contexte pour lequel il faille réévaluer toutes les situations de jeu dans lesquelles l'utilisation de certains de ces chapeaux est prescrite, et à contrario convenir de leur statut OP, aurait pris des années. Pour cette raison, TF2 en compétition se joue de manière simple et directe avec le set-up de base pour chaque classe. L'environnement de jeu est ainsi dégagé de tout ce qui peut entamer ou non le meta-game d'une partie. Les chapeaux proscrits, les joueurs partent sur une base qui exclut le « système différentiel ». La symétrie est concordante, l'équilibre est préservé.
Entre équilibre et déséquilibre
C'est ensuite au joueur de connaître son titre, d'apprendre les routines à développer, les spots à surveiller, les maps à gérer. Il y a une connaissance littérale à acquérir pour faire évoluer son skill sur un jeu de tir, cette connaissance passe par un apprentissage constant des déplacements ou de la vision de jeu globale pour anticiper au mieux l’équipe ou le joueur adverses. Quake est certainement le jeu qui demande le plus de concentration à ce niveau. Chaque déplacement se fait en vue de produire une action utile au joueur. Qu'il soit vertical ou horizontal, ce déplacement permet de récupérer une arme ou de récupérer des points d'armure. Sans une connaissance totale de la map, malheur aux vaincus. D'autres jeux comme Battlefield sont plus simples à décrypter, surtout les derniers épisodes en date. Tout le monde joue assaut.
La Classe Assaut de Battlefield 4 fait la loi en compétition
Tout le monde joue la classe assaut sur Battlefield, non pas parce qu'elle plaît, mais juste parce que le jeu oblige les joueurs à l'utiliser. Dans un RTS chaque unité peut développer un jeu ou des possibilités opérantes. À chaque race, pour Starcraft, un éventail de possibilités sont offertes pour chaque unité choisie. Et cette possibilité offre la garantie qu'elle sera utile au joueur, ingame. Sur le blockbuster d'EA, aucune classe ne permet réellement d'offrir des caractéristiques plus optimales que celle de l'assaut. Régénération de santé, res', ou encore un choix d'armes qui d'une manière générale est beaucoup plus séduisant que celles des autres classes. Pourquoi un tel choix des développeurs dans le game design de leur jeu ? Surtout quand on sait que des Free to Play comme Tribes Ascend ou Team Fortress 2 valident des modèles et des systèmes de jeu pour lesquels beaucoup des classes prescrites pour la compétition peuvent offrir une utilité aux joueurs ? Quand l'équilibre de jeu est brisé, les joueurs compétitifs optent pour un système qui garantit cet équilibre : en l’occurrence ici, tout le monde joue la même classe. Dommage pour le spectacle.
Killstreak, un système de jeu opérant
Et pour Call of Duty ? Beaucoup de joueurs estiment que le côté arcade du titre dévalue son système de jeu. Pourtant la licence Call of Duty est clairement une licence porteuse d'idées en tout genre qui ont donné du peps à la compétition sur ses différents épisodes. D'abord très traditionnelle, la série s'est forgé une réputation solide auprès des joueurs de Call of Duty : Modern Warfare (ou COD 4). Entrait alors à cette époque dans le jeu une arborescence de mécaniques de gameplay qui dénotait avec ce que l'on avait pu connaître jusque-là. Le bonus de killstreak faisait son apparition et la licence s'en trouvait métamorphosée.
Pour chaque série de frags réalisée, les joueurs pouvaient obtenir la possibilité d'un déploiement inédit d'une frappe aérienne, ou encore la couverture d'un hélicoptère de combat. Si cette particularité-là n'a jamais soulevé, à l'époque, un intérêt quelconque pour le joueur compétitif, elle donnait au jeu une identité remarquable pour tous ses pratiquants au niveau casual. J'étais très circonspect quant à l'intégration de ces bonus de killstreak dans Black Ops 2, mais force est de constater que je m'étais peut-être trompé sur le potentiel d'une telle idée.
Les petits bonheurs de la vie
Aujourd'hui qui regarderait une game de LoL si en jeu les Ultis étaient interdites ? Quoi vous dîtes-vous ? Serait-il en train d'établir une corrélation entre Call of Duty et un MOBA ? Eh bien oui, en partie. Call of Duty n'est plus un simple FPS, sans relief, ni fond de jeu, bien que beaucoup puissent penser le contraire. Avec le temps la licence s'est enrichie : Système d'expérience, buff en tout genre au niveau des boni de killstreak, « accessoirisation » poussée, équipements en pagaille à débloquer. Toute l'expérience en ligne de Call of Duty est vouée à exprimer une expérience personnelle et inédite au joueur et son système pousse les joueurs à réaliser des actions particulières pour recevoir leur récompense ingame. Une ulti utilisée au bon moment dans une game de LoL, c'est spectaculaire pour le spectateur et c'est utile pour le joueur.
D'un point de vue stratégique dans Black Ops 2 le déploiement : Missile Hellstorm, Lightning Strike, Machine de mort n'avait rien d'anodin. En plus de participer à la dynamisation des parties pour le spectateur, leur utilisation ingame permettait aux meilleures équipes de pouvoir débloquer des situations, de renverser des parties, d'optimiser leur map control, ou encore de taunter leurs adversaires. Cette dimension émotionnelle apportée à la compétition sur Black Ops 2 a fait entrer le soft de Treyarch dans une démarche intéressante pour l'avenir de la série. Aujourd'hui encore Ghosts utilise cette dimension, mais d'une manière plus nuancée et moins théâtrale. La série des Modern Warfare depuis MW3 est plus axée sur le gains de perks (atouts) en jeu. À chaque série de frags le joueur est rétribué en compétences qui lui permettent de viser plus rapidement, de courir plus vite, de recharger en sprintant. Si ces adjuvants du gameplay sont source d'efficacité pour le joueur, pour le spectateur l'effet est moindre.
Black Ops 2, Treyarch sort de l'ombre ?
Comparativement à Ghosts, Black Ops 2 était incomparablement plus vivant et plus intéressant à suivre. Il suffisait qu'une attaque aérienne soit jouée au bon moment en Hard Point par exemple, pour que d'un seul coup la partie ait une nouvelle profondeur. Un missile Hellstorm en SnD ne servait pas qu'à fraguer bêtement, il pouvait aussi servir à localiser les derniers joueurs en vie sur la map et ainsi de communiquer des informations essentielles pour finir un round décisif plus rapidement. L'acquisition de ces bonus valorisait en outre ce qu'avait pu réaliser une équipe dans sa partie, plus que le tableau des scores et le ratio des joueurs, on pouvait se remémorer du nettoyage du marché sur Yemen quand un full team était réalisé. Ou encore d'un coup de serpillière sur le pont d'Hijacked en Hard Point quand le BP2 grouillait de soldats en armes. Et puis il est aussi arrivé, souvent, que ces bonus de killstreak aient été inopérants, prouvant qu'ils ne déséquilibraient pas les parties. Black Ops 2 a su créer des moments d'intense suspens grâce à cet atout de taille. Si aujourd'hui nous savons que Sledgehammer, le studio responsable (sans animosité aucune) de Modern Warfare 3, est derrière le nouveau Call of Duty, je me vois dans l'obligation (étonnamment) d'espérer que le possible Modern Warfare 4 retrouve cette dimension farouche qui avait rendu les parties de BO2 si passionnantes. Activision si vous nous lisez, la balle est dans votre camp.