Notre sujet du jour sera le streaming mais pas l'aspect habituel, parlons plutôt de ce qui fait mal : l'argent facile qu'il génère. Il ne s'agit pas ici de vous parler de la polémique concernant les embed ou bien les bots qui pullulent et polluent toutes les discussions au sujet de l'eSport en France actuellement. Non, nous sommes partis bien loin des structures pour nous intéresser à ceux qui se sont faits tout seuls, ceux qui décident et sont informés de ce qu'il se passe vraiment derrière le décor propre et lisse de la scène Call of Duty internationale. Car s'il y a bien un sujet qui intéresse tous les joueurs pros c'est celui tournant autour des téléspectateurs sur les streams avec comme question principale : comment fais-tu pour avoir autant de fans (le véritable mot utilisé pour nommer son public ayant été censuré afin de ne heurter aucune sensibilité) ?
Mais comment tu fais Nadeshot pour nous mettre autant une raclée alors que tu joues moins bien ?
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet remettons les choses à plat. Vous n'êtes pas sans savoir que le sport électronique a évolué ces dernières années, principalement grâce à l'avènement d'une nouvelle source de revenus : celle générée par le streaming. Les joueurs professionnels n'ont plus seulement besoin d'une équipe et de ses sponsors, ils n'ont même plus la nécessité de gagner des tournois. Non aujourd'hui la notoriété peut vous permettre d'être mieux payé que n'importe quel génie des jeux vidéo.
De l'autre côté de l'Atlantique et même en Europe, cette nouvelle manne financière a permis à des équipes montées de toutes pièces de se créer. Vitality chez nous ou encore la Team Impact chez l'Oncle Sam par exemple. Par le passé cela n'aurait jamais pu être rendu possible d'une manière aussi pérenne, tout simplement, car il fallait du temps afin de prospecter et convaincre des partenaires, mais également un statut légal, le poids de la paperasse, la création de la marque, etc. Une véritable armée devait se mettre en marche et seul vous n'y seriez jamais arrivé.
Aujourd'hui certains acteurs nous ont prouvé que ce n'était plus le cas. Vous pouvez par votre simple notoriété rameuter suffisamment de monde afin d'empocher assez d'argent pour vivre et surtout investir. Il suffit simplement de créer un logo et un nom de base (cela se vend 10 € au plus et les annonces pullulent sur Twitter), d'avoir un site où on ne trouve que des liens vers vos streams et vos réseaux sociaux (oui on est jamais assez grand) et la machine à sous est en route. Quelques tournois par-ci, par-là histoire de légitimer sa position et maintenant ce sont les sponsors qui viennent à vous et non plus l'inverse.
On limite les besoins en employés, on maximise sa rentabilité et on met en place un business qui semble viable sur le long terme. On ne parlera pas de ceux qui veulent sauter les étapes et décident donc de se lancer dans le crowdfunding, pour ceux-là la logique capitaliste est boostée à son paroxysme !
Pas besoin d'avoir fait des études d'informatique pour se lancer aujourd'hui
Seul point noir, le marché est concurrentiel et volatile. Rien ne garantit que dans deux ans vous serez encore là, mais ça à la rigueur vous n'y pensez pas puisque ce qui compte c'est l'instant présent, le futur on verra ça le moment venu. Votre compte en banque se remplit ; si vous atteignez des sommes à trois chiffres c'est que vous êtes mauvais, les meilleurs sont parvenus à dépasser les cinq et même six chiffres mensuellement.
De quoi mettre suffisamment d'argent de côté et profiter autant que possible de la bulle qui a pu se créer. Sur Call of Duty ils sont peu toutefois à atteindre un tel niveau. En France Gotaga fait figure d'exception parmi les joueurs du Decerto mais si on ajoute à cela le Suisse WaRTeK ou les Youtubers célèbres comme Diabl0x9 on pourrait penser qu'il y a une place à prendre.
Difficile de savoir ce qu'il faut faire pour arriver à regrouper suffisamment de fans derrière soit, une petite armée de spectateurs fidèles et qui, sans s'en rendre vraiment compte, se transforment en billets rien qu'en posant leurs yeux sur vous. Difficile aussi d'en parler avec les principaux concernés, on ne va scier la branche sur laquelle on est assis alors c'est la langue de bois qui prévaut : amour, amitié, passion sont les maitres mots du discours policé distillé.
Mais rien n'est jamais trop beau, quand on a des sycophantes pareils, les paroles ne suffisent pas, il faut leur en donner plus pour en prendre plus : produits dérivés, T-shirts, manettes, autographes, soirées privées, rien n'est trop beau pour les fans du moment qu'ils mettent la main au porte-feuille ou bien qu'ils fassent assez de pub pour que d'autres rejoignent la secte.
Gotaga signe des autographes à la Japan Expo Sud 2013
On ne peut que féliciter ceux qui sont parvenus à de tels résultats. Bien souvent ils n'ont pas suivi d'études particulières dans ce domaine, ils ont même été des précurseurs, des inventeurs sans formation qui se sont bâtis par eux-mêmes. Jamais ils n'auraient cru empocher autant, mais désormais qu'ils n'ont plus besoin de faire autre chose et qu'ils gagnent plus que papa et maman ils ne peuvent plus quitter leur entreprise.
Tout le monde n'a pas le recul d'un Stephano (ce dernier a repris ses études et laissé tomber la compétition, son salaire fixe et ses revenus annexes), le jeu vidéo n'est plus qu'un prétexte pour sortir une vidéo tout ce qui compte c'est le compteur de visites. Rien n'est jamais acquis pourtant et la nouvelle politique de YouTube a fait peur, certains ont cru qu'ils ne pourraient plus créer aussi facilement du contenu en reprenant le travail des autres, mais finalement ils ne s'en sortent pas si mal pour l'instant. Vous pouvez toujours empocher en enregistrant une de vos parties et en la commentant en racontant ce que vous voulez, derrière de toute manière il n'y a pas de débat et personne, pas même vous, ne lira les commentaires.
Est-ce vraiment ce monde-là vers lequel nous nous dirigeons ? Difficile de le croire, cet argent facile ne demeurera pas indéfiniment dans les mains d'une petite élite qui a su avoir le flair quand il le fallait. Heureusement tout va très vite aujourd'hui et entre les nouveaux jeux, la versatilité du public ou tout simplement le changement de modèle économique beaucoup de facteurs peuvent venir interrompre l'idylle que connaissent certains aujourd'hui. On peut en voir d'ailleurs qui cherchent une reconversion généralement via la télévision sans toutefois que le transfert soit particulièrement pertinent, qu'importe le futur on verra ça le moment venu qu'on vous dit !