Le nouveau format des WCS 2014 dévoilé en fin d'année dernière semble convaincre l'immense majorité de la communauté internationale StarCraft II. Il est indéniable que Blizzard a su prendre le taureau par les cornes et s'attaquer aux principaux manques et limitations des formats précédents. Les conséquences ne se sont de plus pas faites attendre avec une envolée de commentaires plutôt positifs voire élogieux à travers la scène eSport SC2.
Malgré tout, on peut regretter que ce nouveau système replace une nouvelle fois les tournois individuels au centre de l'expérience SC2 alors que les compétitions par équipe n'y sont pas du tout prises en compte ni même encouragées.
L'individualisme, bien qu'incontournable dans le jeu en raison du format essentiellement 1c1 des matchs, est à la fois un des plus puissants moteurs de SC2 mais certainement aussi un de ses pires ennemis. Pour ne prendre qu'un exemple déjà bien connu, la gestion d'une défaite pour un joueur, qu'il soit professionnel ou amateur n'est jamais évidente s'il reste livré à lui-même. Elle est nécessairement source de frustration et peut décupler certains aspects négatifs de la personnalité du joueur ou bien tout simplement le pousser à abandonner l'entraînement comme déjà mentionné dans d'autres articles.
À l'heure où à chaque fois qu'un joueur whine sur Twitter ou sur un forum, les commentaires désobligeants inondent la toile, à l'heure où la rage de certains joueurs est moquée voire exacerbée comme jamais par des réponses assassines, à l'heure où le ladder se vide par les ligues les plus basses à tel point qu'il devient très rare d'affronter des joueurs qui n'ont jamais été qualifié au moins une fois en ligue platine ou diamant, il est peut-être temps de trouver une parade à cet individualisme pervers et de redessiner quelque peu les contours de SC2 pour en gommer les excès et le rendre un peu plus humain.
Pour contre-balancer cette spirale négative, les compétitions par équipe apparaissent comme une solution de choix. Cette idée n'a rien d'original dans la mesure où la scène eSport coréenne l'a mise en application depuis des années déjà, une nouvelle preuve s'il en était besoin de sa maturité. Depuis fin décembre et la reprise de la Proleague, il est ainsi frappant d'observer à chaque fin de match les joueurs sortir de leur booth et s'empresser d'aller recevoir les encouragements du coach et du reste de l'équipe en cas de victoire ou bien les gestes réconfortants et sans aucun doute les mots qui vont avec en cas de défaite.
Ces instants, malgré leur brièveté, représentent de belles images de l'eSport que l'on aimerait partager plus souvent. C'est en fait surtout l'équilibre entre victoire et défaite qu'il est agréable de retrouver ici : en compétition individuelle offline il est en effet extrêmement rare de montrer le joueur déchu à l'écran comme si, avec raison, assister à sa solitude et son désarroi avait quelque chose de grossier. Tandis qu'un perdant entouré de son équipe conserve dans l'imaginaire collectif un aspect positif voire encourageant.
Au sein d'une équipe, tout se partage : le groupe peut apprécier conjointement la victoire et faire front commun en cas de défaite. Un bon coach ou une équipe soudée ne se permettra ainsi jamais de laisser un joueur gérer ses échecs seul. Même s'il peut être intéressant de mettre certains joueurs en avant pour forcer une certaine émulation dans le groupe, l'objectif absolu d'un manager reste que chacun se sente à sa place et puisse se convaincre qu'il apporte quelque chose au groupe, que les résultats soient bons ou pas.
Plus particulier à StarCraft II, une équipe est aussi l'occasion de s'entraîner ou de permettre à d'autres joueurs de progresser dans des match-up qu'ils maîtrisent moins ou face à des compositions d'armée contre lesquelles ils se sentent faibles. C'est aussi l'occasion de multiplier les expériences pour mettre en place de nouvelles stratégies et peut être réussir à faire bouger le méta-game.
Une équipe permet enfin de gommer les individualités trop fortes et d'arrondir les personnalités agaçantes de certains joueurs et de les rendre plus sympathiques. Les whiners ou autres rageux auront donc tendance à moins laisser ressortir leurs mauvais côtés. Au sein d'un groupe, il y a en effet généralement un leader au diapason duquel le reste du groupe se met. Dans le meilleur des cas, c'est le coach qui joue ce rôle et peut donc emmener son équipe dans la bonne direction.
Même si ce modèle fait figure de référence en Corée, il peine encore à se mettre en place concrètement en Europe. L'Acer Teamstory Cup a été l'occasion de vérifier l'intérêt du public pour de telles compétitions. Lors des finales de la première saison, on a ainsi pu voir l'équipe Millenium briller en sortant la célèbre Team Liquid. Il est fort probable que le bootcamp du mois de juin d'une partie de l'équipe à la Gaming House ne soit pas étranger à l'émulation qui a accompagné le groupe jusqu'à cette finale. Un nouveau bootcamp est prévu dans les prochaines semaines, espérons qu'il ait le même effet !
Au-delà de la scène professionnelle, le format des compétitions par équipe est aussi un bon moyen de (re)-donner envie à des joueurs de tout niveau de s'affronter et donc de s'entraîner. Là encore, les prouesses de Dayshi et ForGG en Acer Teamstory Cup ont dynamisé tout le reste du roster. Ainsi DieStar et Adel répondaient-ils systématiquement présents, ce dernier faisant même souvent office de capitaine et coach pour l'équipe. Goswser et BabyKnight, plus discrets, se sont tout de même illustrés à de nombreuses reprises. Pourtant, nombre de ces joueurs avouaient eux-mêmes avoir perdu leur engouement pour StarCraft II.
Ce serait formidable qu'en marge des WCS, Blizzard reconnaisse et encourage ou même intègre un format de compétition par équipe, un peu à la manière de ce que la GSL et la GSTL ont pu apporter. Cela permettrait de ré-équilibrer encore un peu plus la scène SC2 mondiale en replaçant au même niveau compétitions individuelles et par équipes. Que des personalités exceptionnelles comme Grubby, Polt ou Naniwa soient capables de trouver seuls les ressources nécessaires pour progresser n'enlèvera jamais le fait que nombre de joueurs de StarCraft II profiteraient énormément de l'émulation d'une équipe soudée et déterminée à gagner des titres.