Cet article me démangeait depuis plusieurs mois et après trois ans à côtoyer l'eSport dit « professionnel », j'ai décidé d'exprimer ma pensée sur les joueurs de ce domaine encore improbable il y a quelques années. Je risque, sans doute, de m'attirer la foudre de plusieurs collègues ou joueurs avec qui j'ai lié des liens au fil du temps, mais des fois, trop c'est trop.
Après avoir sillonné la scène eSport mondiale pendant trois ans, même si je n'ai pas eu la chance de me rendre en Corée du Sud, j'ai pu me forger une bonne vision des choses. Les différentes DreamHack, ESWC, MLG, WCS, LCS et autres événements m'ont permis de me rendre compte de la différence entre les joueurs pro, et ceux qui pensent l'être.
L'argent, la seule caractéristique du pro ?
Llewellys a l'habitude, à raison, de vous rappeler qu'un joueur professionnel ne l'est réellement que lorsqu’il peut vivre de sa passion, qui est devenu à terme, un travail. J'ai envie de pousser cette règle un peu plus loin, car pour moi, un joueur pro, ce n'est pas seulement une personne qui gagne de l'argent en jouant, c'est également quelqu'un qui se comporte comme un pro, et je peux vous dire qu'aujourd'hui, on en est très loin.
Le genre de mec qu'on a pas envie de suivre
Il est impossible de vous cacher, et vous le savez très bien, que certains joueurs sont absolument abominables sur plusieurs points, dont celui des relations humaines qui est une caractéristique propre de ceux qui ne feront jamais de carrière à long terme dans l'eSport. L'exemple type est NaNiWa, probablement le mec le plus exécrable de l'eSport, refusant toute interview et snobant les fans. Attention, des joueurs comme Idra ou Stephano sont les exemples contraires parfaits de NaNiWa car ils ont su à la fois être bons à haut niveau mondial et jouer de leur image de bad boys pour se rendre charismatiques, ce que certains n'arrivent pas à faire.
D'un autre côté, il y a ceux qui ont tout compris. Des mecs vrais, intelligents et qui ont envie de poursuivre l'aventure de l'eSport. Le meilleur exemple à mes yeux reste Grubby. Je pense que personne ne me contredira si j'avance que le joueur hollandais a réussi à se propulser comme un acteur incontournable de l'eSport mondial. Outre le fait que le hollandais était excellent à WarCraft III, et loin d'être mauvais à StarCraft II, il a su se construire un univers professionnel solide et cohérent au fur et à mesure, et ce sans aucune aide d'une équipe. Toujours disponible, souriant et actif, Grubby est selon moi, le prototype type du joueur de demain, et tous les joueurs actuels devraient en prendre de la graine. Des joueurs comme ToD n'ont exploité que tardivement leur potentiel, mais l'ont finalement fait d'une bien belle manière. Je ne m'étalerais pas sur les joueurs coréens qui sont l'exemple même de la bienséance. Pro jusqu'au bout des ongles, ForGG est un mec en or, s'entraînant sérieusement avec des horaires précis et toujours disponible pour participer aux activités professionnelles de son équipe.
Simple et efficace, une publicité à laquelle on croit
Actuellement, la scène StarCraft 2 est bien plus développée que celle des autres jeux sur ce point, la starification ayant été entamée depuis longtemps grâce à BroodWar ou WarCraft 3. Pour LoL, les choses s'accélèrent petit à petit grâce à l'investissement de Riot pour professionnaliser la scène, c'est pourquoi certaines icônes émergent aujourd'hui dans le monde. Froggen, Dyrus, Doublelift aux États-Unis, ou encore Ocelote et Xpeke en Europe, exemples les plus convainquant, ont compris l'intérêt d'améliorer leur présence sur tous les fronts et pas uniquement au niveau du jeu puisqu'en matière marketing, image et disponibilité, on ne fait pas mieux en Europe aujourd'hui (le fait d'être de nationalité espagnole n'a sans doute pas de rapport). Tout comme Grubby, Ocelote est aujourd'hui apte à vivre, s'il le souhaitait, sans l'aide d'une équipe vu son charisme et son importance dans le monde de l'eSport. Capitalisant plus de 390 000 like (le score le plus élevé après la page Facebook de Fnatic dans l'eSport) sur Facebook et plus de 150 000 like sur Twitter et une popularité hallucinante en événement (une séance d'autographe peut durer jusqu'à 5 heures consécutives sans interruption), il n'est pas impossible de voir Ocelote lancer sa gamme de vêtements et pérenniser ainsi son activité professionnelle.
Des revenus secondaires assurés pour Ocelote
Tout ceci n'est pas le fruit du hasard puisque ces joueurs s'imposent une vie saine, cultivent leur image depuis longtemps et surfent bien entendu sur un phénomène de mode, mais le font bien, car ce sont de bons communicants en agissant comme professionnels.
Nous sommes actuellement aux débuts de l'eSport. À mon sens, cette année passée fut décisive, car elle nous a tout simplement ouvert les yeux sur l'ampleur du phénomène et ceux qui ont accroché le wagon cette année auront une avance considérable sur les autres. Le fait que l'univers est nouveau et qu'il touche principalement que de jeunes gens permet de faire un tri naturel entre ceux qui sont faits pour cela, et ceux qui ne le sont pas. Plus clairement, entre ceux qui peuvent concrétiser leur rêve de vivre de leur passion toute leur vie (car demain, l'eSport deviendra immortel) et ceux qui ont une petite carrière médiocre, car ils sont juste bons aux jeux vidéo.