16h50 : Suite aux réactions de la communauté, RiotMagus est intervenu sur Reddit pour annoncer des changements dans la clause dévoilée récemment. Vous pourrez retrouver les détails des modifications ici.
Comme vous avez certainement pu le constater, des exemplaires de contrats de joueurs LCS 2014 ont été dévoilés il y a quelques jours et parcourent le net. Ce qui a fait sensation, ce ne sont pas les gains des joueurs, mais bien une clause stipulant que les joueurs professionnels qui officieront en LCS cette année (EUW et NA) n'auront pas le droit de « faire la publicité » ou de stream un certain nombre de jeux à côté de leurs activités de stream pour League of Legends.
La liste exhaustive de ces jeux est parue aussi, et contient les licences phares de Blizzard (Diablo, Starcraft, World of Warcraft, Hearthstone), les MOBA concurrents (DotA 2, HoN, Infinite Crisis, Dawngate, SMITE...), les jeux Wargaming (World of Tanks, World of Warplanes), mais aussi les sites de pari en ligne ainsi que les domaines relatifs à l'industrie du tabac, d'armes à feu, pornographiques... Riot se préserve aussi le droit de faire évoluer cette liste au fil des sorties de jeu pendant toute cette année.
Mais que recherche Riot par cette manoeuvre ?
Très clairement, l'objectif affiché et affirmé est d'empêcher les joueurs couvés et payés par Riot de batifoler à droite et à gauche. Comme l'a dit Whalen Rozelle (alias RiotMagus), Directeur eSport de Riot Games, « Les joueurs pro sont libres de jouer aux jeux qu'ils veulent, mais nous demandons simplement à ce qu'ils gardent à l'esprit qu'en stream, ils sont la vitrine compétitive de League of Legends. ». Ce dernier prend l'exemple d'un sportif sponsorisé par Nike qui porterait du Reebok face-caméra.
Cette annonce en a choqué plus d'un, certaines personnes criant au scandale et protestant contre la restriction des libertés individuelles... Quelques Godwin points ont même été distribués au fil des débats à ce sujet. Il est vrai que de nos jours, il faut surveiller les dérives, surtout au niveau du droit du travail en Europe ou aux États-Unis, où l'Emploi est un sujet chaque jour un peu plus sensible. Alors pourquoi un joueur (qui est souvent doublé d'un streamer) n'aurait-il pas le droit de se filmer en train de jouer au jeu auquel il a envie de jouer ? On peut considérer que le stream personnel, sur le temps libre, n'a rien à voir avec le fait de concourir dans un tournoi et que c'est une clause totalement intrusive de la part de Riot Games.
Cela peut-il changer la face de l'eSport ?
Pour le moment, Blizzard et Wargaming, les deux grands concernés par cette annonce, n'ont pas réagi, et ne le feront probablement pas, certainement afin de ne pas faire plus de publicité à Riot. Jasper Koning, créateur d'Awesomenauts (un MOBA cartoon en 2D très fun qui fait partie de la liste des jeux interdits et que je vous conseille chaudement) et co-fondateur de Romino Games, a lui qualifié cet acte de Riot Games « d'antisportif et anti-compétitif », surtout lorsqu'il touche au temps libre des concernés.
Toujours est-il que Riot jouissant actuellement du statut de seul éditeur de jeux vidéo compétitif qui finance lui-même sa compétition phare en payant ses joueurs, souhaite en profiter encore plus que l'année passée. Il y a là un vrai souhait d'écraser la concurrence et de faire tendre encore l'eSport vers ses aînés des sports conventionnels en appliquant l'un des principes fondamentaux du sponsoring par contrat : l'exclusivité. Riot entend par là protéger ses intérêts et veut encore asseoir sa domination déjà indéniable sur l'eSport, bien aidé par le déclin de Starcraft 2 qui a choisi un autre modèle.
Un joueur LoL ne devra plus jurer que par LoL, et comment en vouloir à Riot puisque c'est League of Legends qui fera vivre les joueurs, et donnera un coup de pouce loin d'être négligeable aux structures qui les emploient ou qui les gèrent. J'ai récemment vu une comparaison d'une personne qui prenait exemple d'un employé d'une enseigne de supermarchés qui aurait dans son contrat une clause lui interdisant de faire ses courses dans une autre enseigne. Il faut rappeler que les joueurs pro LCS de l'année qui va arriver seront des personnes publiques et exposées aux médias, aux spectateurs et aux fans, contrairement à notre chef de rayon chez E.Leclerc. Il est évident que Riot ne voudra pas que cette personne, qui sera suivie parfois par plus de 30 000 spectateurs sur son stream personnel, ne se mette en scène en train de jouer au futur MOBA de Blizzard, Heroes of the Storm : c'est tout simplement logique et je gage que n'importe quel éditeur dans le cas de Riot Games ferait exactement la même chose.
Alors qu'en retirer ?
Riot a fait ici quelque chose de très simple. C'est un nouveau pas de géant vers la professionnalisation totale des eSportifs, et il va sans dire que les autres éditeurs devront s'aligner s'ils veulent pouvoir suivre la cadence imposée par les créateurs de League of Legends. Cette clause du contrat pourra sembler abusive à certains mais elle est logique et surtout inévitable si l'eSport doit continuer à se développer pour espérer un jour être reconnu à sa juste place. C'est un coup de massue pour les autres éditeurs qui repenseront peut-être à la création d'un championnat professionnel qu'ils financeraient eux-mêmes.
Il faut rappeler qu'à l'heure actuelle, cette clause ne prévaut qu'en Europe et en Amérique du nord, les autres tournois professionnels continentaux ne sont pour l'instant pas concernés. La culture Gaming étant différente en Asie, il serait intéressant de voir si Tencent compte mettre en place ce système pour l'année à venir, ou si le vieux continent et son homologue outre-atlantique ne seraient en fait que des cobayes.