Il arrive par le hasard des choses, ou bien parfois volontairement que jeux vidéo et réalité historique se croisent. C'est un peu ce qu'il se passe actuellement en Syrie puisqu'il y a sept ans maintenant, à la sortie du tout premier Modern Warfare connu également sous le nom de Call of Duty 4, les scénaristes avaient choisi le Moyen-Orient pour faire évoluer les joueurs. Un pays notamment était fortement représenté, il s'agissait de la Syrie que l'on pouvait aisément reconnaitre malgré le caractère fictif du scénario du titre.
Khaled Al-Asad, l'un des personnages principaux de Modern Warfare
Si les scénaristes ont souhaité changer quelques noms et s'amuser avec l'histoire, les références qu'ils avaient faites sont toutefois suffisantes pour savoir qu'aujourd'hui Modern Warfare est clairement d'actualité. Le pays, puissance autrefois pro-occidentale, puis renversée par une révolution semble être assez proche de l'Iran. Les événements se dérouleraient après recoupement entre 2011 et 2016 et la présence d'un certain Khaled Al-Asad, allié des Russes, devrait vous suffire pour comprendre où nous nous situons exactement. Pourtant lorsque Modern Warfare est sorti nous étions loin d'une guerre civile en Syrie, certains éléments cités dans le scénario du jeu étaient déjà présents comme l'instabilité de la région, les soutiens des uns et des autres, le terrorisme, la présence occidentale en Irak et les tensions entre les différents belligérants, mais pas encore de conflit au cœur de Damas.
Dans un sens Activision et Infinity Ward en particulier ont su prédire l'avenir même si en y regardant de plus près le jeu est assez loin de ce qu'il se passe réellement sur le terrain. Quoi qu'il en soit cela peut nous pousser à nous interroger sur la pertinence des titres vidéoludiques et sur les messages cachés qu'ils peuvent nous transmettre. Ici clairement si nous poussons plus loin le vice nous connaissons la fin de l'histoire. Khaled Al-Asad meurt exécuté par le capitaine John Price, un Britannique membre du SAS (Special Air Service - forces spéciales anglaises), et l'histoire continue contre les Russes. Mais hormis les quelques détails qui nous ramènent vers la réalité des faits telle que nous pouvons la connaitre aujourd'hui, beaucoup d'invraisemblances du scénario sont heureusement présentes pour nous rappeler que Modern Warfare n'est qu'un jeu et que son histoire est fictive.
Ressemblance entre Khaled Al-Asad et Bassel el-Assad (frère ainé décédé de Bachar)
Certains toutefois n'y voient pas que du hasard ou une simple trame narrative construite autour de tensions que l'on savait déjà très présentes depuis le 11 septembre 2001. Une blogueuse par exemple, Sylvie Neidinger, voit dans le scénario de Modern Warfare les marques d'un complot ou plutôt d'une campagne de communication déguisée des services secrets américains. Ces derniers auraient eu tout intérêt à préparer la population à une éventuelle intervention contre les méchants du Moyen-Orient. En montrant un Occident tout puissant, réglant des conflits aux portées géopolitiques importantes face à des ennemis pas franchement recommandables, la propagande américaine ferait son travail auprès des joueurs.
Malgré ce constat de Sylvie Neidinger on notera tout de même les invraisemblances du scénario, le fait que le Moyen-Orient était au cœur des préoccupations à cette époque de par l'intervention en Irak. De plus les scénaristes profitaient de l'actualité pour s'installer dans une zone où énormément d'informations filtraient grâce aux médias, ce qui permettait aux joueurs de s'identifier à ce conflit. De plus si le comportement des ennemis est répréhensible, on ne peut pas franchement dire que celui que vous avez tout au long du jeu est plus héroïque. Entre séances de tortures, massacres à grande échelle chaque camp semble s'affranchir de toute retenue.
La carte du conflit en Syrie à ses débuts
Au final oui les jeux vidéo s'inspirent de la réalité et peuvent même, comme ici, avoir un temps d'avance sur cette dernière. Cela n'en fait pas pour autant des outils de voyance ou bien encore une force nouvelle de propagande. Les États-Unis utilisent tout simplement dans l'industrie vidéoludique les mêmes armes que celles qu'ils ont toujours utilisées dans le cinéma. Un sentiment de toute puissance, un combat du bien contre le mal et un rôle de gendarme planétaire qui leur permet d'expliquer pourquoi et comment ils peuvent intervenir où ils veulent, quand ils veulent et comme ils le veulent.
Heureusement certains autres exemples nous montrent qu'ils peuvent également se casser les dents (Somalie, Irak et Afghanistan par exemple) et que tout ne finit pas forcément bien. Call of Duty fait d'ailleurs partie de ces jeux qui tentent de vous l'expliquer, ou tout du moins de vous montrer que rien n'est joué d'avance !