C'est avec un professionnalisme teinté d'une pointe d'humour que Helena a accepté de répondre à nos questions.
[M] BigCrook – Bonjour Helena, merci beaucoup d’accorder cette interview à Millenium. De retour de la GamesCom ?
Bonjour, je suis rentrée à la maison juste après avoir couvert les finales de la Saison 2 des WCS qui se déroulaient à la GamesCom. Ca a vraiment été un honneur pour moi d'être choisie comme photographe officielle pour les WCS, et ça a été un régal de travailler avec l'équipe de l'ESL.
Les WCS ont été un évènement très intense avec des confrontations passionnantes et ce spectacle m’a donné de nombreuses opportunités pour faire de superbes photos. J'ai pris un très grand nombre de photos pendant l'événement, environ 4000 et environ 10% ont été publiées.
Tu travailles comme photographe professionnelle depuis un peu plus d’un an maintenant. Peux-tu nous expliquer ce qui t’a poussé à sauter le pas et transformer ta passion en profession ?
J’ai un diplôme en marketing et j’ai travaillé là-dedans quelques années, mais au fil du temps j’ai perdu ma passion pour ce métier. Dans le même temps, ma passion pour la photo a grandi et j’ai décidé de quitter mon boulot et créer ma propre entreprise. Quand je ne photographie pas pour l’eSport, je photographie pour des mariages, des naissances ou des enfants et j’ai un petit studio chez moi à Stockholm en Suède.
As-tu pris des leçons ou est-ce un talent naturel ?
Je suis une autodidacte à 100 % dans la photo. J’ai eu mon premier appareil pour mes 10 ans, mais c’était seulement un petit appareil photo compact et j’ai supplié mes parents pour avoir plus qu’une pellicule par mois. Quand j’ai acheté mon premier Reflex en 2008 mon intérêt et mon talent se sont rapidement développés, quand j’ai réalisé que je pouvais combiner mon amour de la photo avec mon talent pour Photoshop. Je n’ai jamais cessé de progresser, ce qui est assez évident quand vous regardez mes premiers travaux dans l’eSport.
Cet art requiert beaucoup d’implication, de dévouement et parfois quelques sacrifices. Quels conseils donnerais tu à quelqu’un qui voudrait marcher sur tes pas ?
Photographier l’eSport, je dirais que c’est différent des autres formes de photographies. Tu peux pas juste rentrer chez toi et t’entraîner, tu dois aller aux évènements, tu dois prendre ton appareil et tu dois vraiment le faire pour t’améliorer. Mon premier conseil serait de connaître vraiment bien votre appareil. Vous devez le poussez dans ces derniers retranchements pour avoir des bonnes photos dans les conditions d’éclairages des évènements esport. Le deuxième c’est d’améliorer votre matériel (je vais faire ca plus tard) et le troisième, comme je l’ai dit, allez aux évents ! Personne ne vous embauchera si vous ne pouvez pas montrer vos précédents travaux, ce qui signifie que vous allez devoir investir dans des déplacements et des billets pour construire vous-mêmes votre portofolio avant d’espérer trouver du travail.
Qu’est-ce qui t’inspires le plus ?
Mon petit ami m’inspire pour être quelqu’un de meilleur et ne jamais baisser les bras. Et pour prendre des photos, des lumières vives, des couleurs lumières et de la bonne musique combinées, plus les moments d’émotion avec les casters et les joueurs ainsi que l’excitation de la foule sont mes sources d’adrénaline.
Est-ce qu’il y’a une photo particulièrement importante à tes yeux, une image qui symbolise quelque chose de particulier pour toi ? Ou est-ce que toutes tes photos racontent une histoire à leur façon ?
Je pense que toutes les photos racontent une histoire en fonction du moment et de l’évènement où elles ont été prises, et cela que l’on sente l’excitation dans la foule, la déception d’une défaite ou le soulagement et parfois même l’incrédulité face à la victoire. Je pense également qu’il est important de capturer cette histoire et de savoir quelles histoires peuvent prendre un tournant différent de ce qu’on est en droit d’attendre. En d’autres mots, il est important de connaître l’histoire du joueur pour être capable de la raconter et c’est bien plus important que de connaître toute les unités du jeu.
J’ai, en plus de raconter des histoires, trois buts avec mes photos. Pour ceux qui ne connaissent pas l’eSport, je veux retransmettre la passion et les intéresser. Pour ceux qui connaissent l’eSport mais n’étaient pas à l’évènement, je veux leur donner l’envie d’y être. Et, le dernier mais pas le moindre, pour ceux qui y étaient, j’essaye de prendre des photos qui leur rappellent précisément leurs sentiments à un instant donné.Peux-tu nous en dire plus sur la relation spéciale qu’un photographe entretient avec son appareil ?
Mon appareil, c’est mon bébé (rires). Plus sérieusement, l’appareil devient une partie de moi, une extension de mes yeux ce qui est une raison pour laquelle je n’utilise pas de trépied. Je veux qu’il bouge aussi vite que mes yeux et capturer l’image exactement de la façon que je veux, a la seconde ou je le veux. J’ai besoin de faire de ma caméra le narrateur des histoires que je vois.
Quelles sont les principales contraintes pour réaliser de beaux clichés pendant les évènements eSport (manque de lumière, rapidité de l’action, etc.) ?
Les lieux de l’eSport sont généralement très sombres et la règle principale est qu’il est interdit d’utiliser le flash, ce qui signifie que vous devez paramétrer votre appareil pour prendre des photos, même si c’est trop sombre. Je dirais qu’il est impossible d’avoir de bonnes photos dans l’eSport avec les réglages prédéfinis et automatiques car l’éclairage change trop vite. Pour mettre toutes les chances de votre côté pour capturer le bon moment, vous devrez avoir un appareil qui marche bien en faible éclairage mais qui continue de bien fonctionner avec un ISO élevé. Je recommande également les lentilles 24-702.8 et 70-200 2.8 (la clé c’est d’être en 2.8, en d’autres mots avec des f-stops bas ce qui laisse entrer beaucoup de lumière). Apprenez à tenir fermement votre appareil, je capture généralement pas plus vite que 1/180s, ce qui laisse un peu de place pour le mouvement de caméra, mais ca ne pose pas de problème si vous connaissez votre appareil.
Je recommande à tout le monde, est pas seulement les photographes eSport de capturer en rafale comme ça vous pourrez ajuster les balances de blancs et les autres paramètres en post prod’ (j’utilise Adobe Bridge, Camera Raw et Photoshop). Beaucoup de bruit inhérent aux ISO élevés peuvent être supprimés dans ces programmes. Après, je recommande a chacun de s’entrainer, chaque appareil est différent et a ses points forts et chaque photographe a son propre style.
Tu as rencontré beaucoup de gens impliqués dans l’eSport : joueurs, commentateurs, organisateurs, business men… Lesquels ont joué un rôle-clé dans ta carrière ?
Je dois remercier beaucoup de gens pour m’avoir aidé d’une façon ou d’une autre à faire de moi ce que je suis aujourd’hui. Pour le tout premier évènement que j’ai couvert dans l’eSport (DH Winter 2011), j’ai été présentée par Robert Ohlen (PDG de la DreamHack) à plusieurs personnalités importantes. Après, il y a eu un effet boule de neige et j’ai pu rencontrer de nombreuses personnes. J’adresse des remerciements tout particuliers à Genna bain, Paul « Redeye » Chaloner, Amber Dalton et Rachel « Selzter » Quirico qui m’ont tous aidé, m’ont présenté et guidé dans le monde de l’eSport.
Tu as déjà assuré la couverture d'une quinzaine d'évènements eSportifs à travers le monde. Aurais-tu une anecdote amusante à nous raconter avec les personnes que tu as rencontrées en ces occasions ?
Hé bien, j'en ai une très récente puisqu'elle date des finales de la saison 2 des WCS, pendant la GamesCom, quand nous sommes allés dîner dimanche soir. Il y avait des membres du staff, des gens de Blizzard, les commentateurs, les présentateurs et quelques joueurs. Apollo et Jaedong ont commencé à "se disputer" (évidemment, c'était sur le ton de la plaisanterie !) en s'envoyant des messages sur des dessous de verre, chacun leur tour. Kim Phan, Carmac et moi, on s'est amusé à apprendre à Jaedong des expressions vulgaires en anglais. Le jeu a duré un bon moment jusqu'à ce qu'Apollo lâche GG après que Jaedong lui a envoyé le message : "Outside bitch". (rires)
Tu prends en photo les joueurs ; mais toi personnellement, est-ce que tu joues ?
Je suis plutôt une casual, même si j’ai très envie de rentrer à la maison et de jouer à SC2 après chaque évènement que je couvre. Je travaille beaucoup et j’ai peu de temps pour jouer, malheureusement.
Avant de conclure, une petite question « Top [M]odel ». A la DH Stockholm 2013 tu as photographié les joueurs SC2 de Millenium. Lequel est le meilleur modèle ?
Je dirais que Maddelisk est la meilleure. Elle vient toujours avec des poses rigolotes, et depuis qu’elle a casté le championnat national de Suède SC2, nous sommes devenues bonnes amies.
Il ne me reste plus qu'à te remercier encore une fois pour avoir eu la gentillesse de nous accorder cette interview. Libre à toi de conclure comme tu le souhaites...
Merci à Millénium pour cette interview, je suis très honoré et je remercie la communité française d'être aussi géniale, vous êtes la principale raison du développement de l'eSport en Europe.
Crédit Photo : Oscar Aaro