Récemment, une publication sur la page Facebook de Millenium avait tutoyé les records de popularité de [M] sur le réseau social au logo bleu. Ce n’était pas la victoire d’un de nos joueurs, un drama de l’eSport, ou un reportage exclusif sur le projet Titan qui avait suscité cette effervescence, mais une simple photo de statuette d’Illidan. Preuve que, des années après, ce personnage fétiche de Blizzard jouit encore d’une grande popularité, tout comme d'autres dont Arthas est également un bon représentant.
Malgré les années nous séparant de Warcraft III et Burning Crusade et en dépit des torrents de boue qui ont pu être déversés sur le studio californien depuis quelque temps, on voit que ce qui a fait une part des succès de Blibli ce sont des héros (ou méchants) emblématiques, dont le souvenir est encore très présent. Pourtant les histoires dans lesquelles on les découvre et qui plaisent aux joueurs ont connu un succès mitigé selon le jeu et la manière dont ces récits ont été ficelés. Alors que le patch 5.4 de WoW commence à se dévoiler peu à peu, je note qu’après des années de limitations techniques qui n’ont pas été sans poser problème sur la façon dont l’histoire est narrée dans WoW, de grands progrès ont été faits.
Warcraft III un des piliers scénaristiques majeurs de l'univers de Warcraft
Je garderai comme référence ultime la campagne de Warcraft III qui reste à mes yeux un véritable bijou en la matière avec son intrigue pleine de rebondissements et des figures emblématiques. Tellement emblématiques qu’ils constituent encore aujourd’hui les personnes fétiches de World of Warcraft : Thrall et Jaïna, qui ont encore la chance d’être en vie ou bien Arthas et Illidan qui ont passé l’arme à gauche, de manière assez différente.
À sa sortie, World of Warcraft était nettement moins épique de ce point de vue. Si le fait d’affronter un boss à 40 personnes a le don de vous transporter et vous donne le sentiment d’accomplir quelque chose d’héroïque, le changement de décor et l’arrivée de figures inconnues était moins entraînant que War III. Bien que Ragnaros et Onyxia soient aujourd’hui devenus des méchants bien connus et appréciés, au début ils débarquaient un peu de nulle part, et beaucoup de joueurs de l’époque auraient préféré pouvoir jouer le Fléau mort-vivant et affronter la Légion ardente, plutôt que de combattre des insectes géants en jouant une Gnomette à couettes roses.
Ragnaros, un nouvel arrivant, devenu emblématique pour les joueurs
Un autre handicap originel qu’a connu WoW était qu’au commencement, le jeu n’avait pas tous les atouts technologiques de 2013 comme le phasing ou les scénarios, et le monde était infiniment plus statique qu’il ne l’est aujourd’hui. Il aura fallu attendre Lich King et la plus grande immersion dans l’histoire proposée par cette extension, pour arriver à quelque chose de mieux ficelé qu’à l’époque de Vanilla et BC.
Si ces deux premiers âges de WoW ont laissé un très bon souvenir dans la mémoire collective, en revanche, ils n’ont pas brillé par leurs qualités narratives ou l’enchaînement d’évènements. Les ennemis et menaces y arrivaient pêle-mêle, dans un monde beaucoup plus sauvage à tout point de vue, loin de la manière actuelle, bien balisée, d’introduire les évènements et les futures menaces : Ragnaros, Onyxia, Néfarian, C’Thun, Kel’Thuzad s’opposèrent aux premiers héros du monde de Warcraft. Après la réouverture de la Porte des ténèbres, ce furent les ombres de Karazhan, Gruul, Maghteridon, les anciens alliés d’Illidan, Illidan lui-même, les trolls amani, et la légion ardente qui se sont succédé face aux champions de la Sainte Lumière assoiffés de loots.
Ajoutez que dans le cas de BC on avait cumulé deux éléments embêtants : d’une part, au Plateau du Puits de Soleil, il fallait avoir lu/acheté la trilogie manga Sunwell pour comprendre l’histoire de l’instance. D’autre part, Illidan, un des deux héros les plus appréciés de l’univers Warcraft avait été massacré du point de vue Lore, avec une histoire trop peu présente, en n’apparaissant presque jamais, et en se faisant dégommer avant que de vulgaires trolls ne prennent la relève. Si ces deux travers furent les derniers, ils ont été préjudiciables puisqu’ils frappèrent une des extensions les plus marquantes de WoW.
Illidan dans WoW : pourtant beaucoup de potentiel...
Blizzard a retenu la leçon de ces deux erreurs, avec Wrath of the Lich King. Si LK n’était pas parfait, les choses ont été grandement améliorées. Arthas apparaissant beaucoup plus au cours des quêtes en Norfendre, voire trop, diront certains. C’était d’ailleurs à se demander pourquoi il ne bougeait pas son royal postérieur de son foutu siège en glace pour venir nous flanquer une raclée. Les limitations de gameplay d’un MMO étant ce qu’elles sont, l’explication retenue, fut qu’Arthas nous avait laissé arriver jusqu’à lui pour devenir encore plus puissants, avant de mourir sous ses coups et de devenir son armée invincible qui déferlerait sur le monde.
D’autres limitations techniques furent à l’origine de certains « accidents » du point de vue lore. Le tournoi d’argent, devait initialement être installé dans la forêt du Chant de cristal, il a finalement été déplacé… dans la Couronne de glace, à cause du lag présent à Dalaran. La zone centrale de Northrend, n’aura finalement presque servi à rien. L’abandon du raid d’Azjol Nerub a également été un crève-cœur pour beaucoup de fans et de développeurs, puisque, le temps passé sur Ulduar avait été beaucoup trop important. Un raid fut donc zappé, et l’on passait directement au Colisée, pendant que Blizzard commençait à travailler sur la Citadelle de la Couronne de Glace.
Malgré ces aléas, le schéma de progression des raids suivait cette fois un ordre plus logique : Naxxramas + le vol bleu, Ulduar, le raid abandonné d’Azjol-Nerub, le Colisée de la croisade, puis la Citadelle de la couronne de glace, avant que le Sanctum de rubis n’introduise en partie Cataclysm. Cette suite plus rationnelle couplée à la présence accrue d’Arthas, a fait de LK, une extension marquante du point de vue du lore, servie par l’aura dont bénéficiaient Arthas et le Fléau auprès des joueurs.
La cinématique de WOTLK. La meilleure pour beaucoup, en partie grâce à Warcraft III
Puis vint Cataclysm. L’extension fut très bien introduite, par le Sanctum de rubis donc, puis par les évènements des invasions élémentaires. Tout était expliqué en jeu, mais ceux qui voulaient avoir plus de précisions pouvaient également lire le roman sorti pour l’occasion « L’Effondrement : prélude au Cataclysme ». Durant la troisième extension la progression a été encore plus mitigée, à cause du manque de temps dont on pâti les développeurs pour produire le contenu de fin de jeu.
Bien que la succession fut logique, puisque l’on défaisait progressivement toutes les forces alliées aux Dieux très anciens avant d’en finir avec leur principal agent : Deathwing lui-même, il en résultait une impression de décousu, comme au temps de BC. Ceci est dû en partie à la géographie de Cataclysm avec des régions réparties aux quatre coins du monde. Le manque de temps s’est également fait ressentir après la sortie du jeu, avec du contenu end-game bizarre : Zul’urub et Zul’Aman arrivées comme des cheveux sur la soupe ; le raid de la Guerre des Anciens devenant un simple donjon à cinq joueurs.
Pourtant, parallèlement à cela, la narration était renforcée, avec le levelling, les nouveaux donjons, les suites de quêtes des patchs, qui présentaient bien la situation, et les différentes étapes de la guerre contre le Marteau du Crépuscule, les Seigneurs élémentaires, les Dieux très Anciens et les Vols Noir et du Crépuscule. Les anciennes zones furent enfin refaites avec des lignes scénaristiques plus cohérentes avec le monde actuel, et plus agréables à jouer. Si le raid de l’Âme des Dragons, et les donjons qui l’accompagnaient sont de ce point de vue des exemples uniques, puisqu’ils sont tous imbriqués pour conter une histoire et amener au dénouement qui verra la fin des Aspects et le sauvetage du monde.
Beaucoup n'auront retenu de MoP que les Pandarens, alors qu'ils ont été inventés bien avant Kung-Fu Panda. L'arbre qui cache la forêt d'une extension d'une grande richesse.
Pour Mists of Pandaria, indépendamment des trolls qui ne voient dans l’extension que du « Pandi Panda, Pokémon lolilol », on a assisté à la naissance d’un pan entier de l’histoire de WoW qui n’avait jamais été conté. Ces nouvelles terres et leur histoire ont bien été introduites par les quêtes, les scénarios, les journas, les donjons, et la réputation des Chroniqueurs qui nous ont présenté un monde cohérent inséré dans un univers plus large, sur fond de conflit entre l’Alliance et la Horde.
On versait presque dans le cousu main, avec une présentation des différentes menaces (Mantides, Mogu, Sha, Garrosh), avant leur affrontement dans les différents raids, tandis que l’histoire était développée en suivant la guerre traditionnelle entre les deux factions sur ce continent plein de mystères et de dangers, qui va culminer avec le Siège d’Orgrimmar et la folie de Garrosh faisant siennes les forces occultes de Pandarie.
Cette nouvelle trame scénaristique a été extrêmement bien servie par les innovations technologiques de Blizzard en la matière. Les scénarios qui ont fait leur apparition avec MoP, ont joué un grand rôle dans la compréhension de l’histoire, soit en tant que scénario à part entière, soit en tant qu’interlude dans les suites de quêtes.
S’il était un point noir à évoquer au niveau de l’histoire, ce serait éventuellement la manière très limitée d’introduire l’extension, avec le scénario de Theramore. Les développeurs préférant se focaliser sur le contenu futur et ne pas répéter les erreurs de Cataclysm, ils ont donc laissé de côté cet aspect traditionnel des évènements en jeu précédant la sortie des extensions, dont l’invasion du Fléau, fut sans doute l’un des plus appréciés.
La chute de Theramore, un évènement marquant pour beaucoup de joueurs.
Du point de vue du lore, MoP constitue en tous cas ce que Blizzard a produit de plus abouti au niveau narratif (sans parler du reste). On se prend à rêver de revivre les évènements de Vanilla, et Burning Crusade avec un développement scénaristique mieux ficelé, et des quêtes, scénarios et du phasing pour nous introduire tout cela : un Illidan très présent à la manière d’Arthas ; un Roi Liche menant régulièrement des attaques contre les forces venant l’envahir, avant d’être acculé par la guerre chez lui, au lieu d’avoir fait venir les joueurs jusqu’à lui ; une explication claire des évènements du puits de Soleil sans avoir à lire un produit dérivé ; ou encore un développement clair et cohérent de ce qui se passe à Karazhan. Ces moments forts, et bien d’autres, auraient été sublimés par les possibilités technologiques actuelles. Malheureusement, on ne réécrit pas le passé, mais on peut en tous cas être confiant, quant à l’avenir, l’histoire du monde de Warcraft, devrait être contée avec le même talent que dans Mists of Pandaria.