Édito : LoL, pourquoi ça marche ?
Eh oui, un édito, c'est pas seulement pour râler. Faisant fi de la particularité voulant que l'on s'exprime sur Internet le plus souvent pour se plaindre que pour encenser, je vais m'atteler aujourd'hui à résumer pourquoi League of Legends marche si bien. Car oui pour ceux qui ne le savent pas encore (ou ceux qui croient que DotA 2 est plus joué que LoL /taunt), le jeu marche : il est sans conteste le MOBA le plus joué, et le jeu vidéo qui porte l'eSport en ce moment avec Starcraft II.
Un Free-to-play intelligent
Vous commencez à connaître la définition. On qualifie de jeu free-to-play un jeu dont le contenu, tout ou partie, est gratuit et accessible à tous. Dans le MOBA de Riot, deux joueurs de même niveau dont l'un achète du contenu proposé en argent réel n'en tirera (quasiment) aucun avantage ingame par rapport à l'autre. Riot a développé, grâce au peu de barrières à l'entrée, un jeu auquel il est facile de s'inscrire, que les parents vont même peut-être encourager de par sa nature gratuite par rapport à un WoW toujours aussi payant même après 8 ans et des patates. Un argument forcément plus qu'important en ces temps de disette économique.
Jeu gratuit mais rentable... Un joueur régulier de League of Legends aura sûrement (sauf exception forcément) dépensé plus d'argent vers les caisses (« gling gling ») de Riot que pour tout autre jeu, même payant. Riot reste néanmoins très évasif sur les chiffres voire totalement opaque. Exemple parlant : le rythme de sortie des champions. Les 18 champions sortis sur l'année 2012 sont autant d'occasion pour un joueur ayant des liquidités de se faire plaisir en achetant les nouveaux persos en dollars/euros/yens/monnaiesd'autrespaysoucommunautéséconomiques trébuchant plutôt qu'à gagner durement ce droit avec les PI (comptez environ une soixantaine de parties en moyenne pour obtenir les 7800 PI nécessaires à l'achat d'un personnage la première semaine de sa sortie). Cette stratégie fonctionne admirablement bien, comme pour les skins qui, dans un jeu très égalitaire pour tous, peut permettre de se démarquer quelque peu pour autre chose que le skill personnel. Incitation à l'achat dans un jeu gratuit = win. L'arrivée de la boutique à cadeaux a été une nouvelle étape franchement pleine de réussite pour l'éditeur, qui doit-on le rappeler a été acheté par Tencent pour la coquette somme de 400 millions de dollars, ce qui veut bien dire ce que cela veut dire.
Cela entraîne cependant quelques désagréments. Un grand débat fait rage depuis quelques mois sur tous les forums par exemple sur le nombre astronomique de personnages qui sortent, et par là même le faible nombre de bans qui est toujours de trois par équipe alors que le nombre de champions a été plus que doublé. Mais dans l'ensemble, il faut réellement avouer que Riot a fait fort et réinvente le free-to-play rentable. La profusion de champions et de skins pourront à terme être problématique et rébarbatifs pour les nouveaux arrivants, car cela prendra de plus en plus de temps pour réunir tous les champions et avoir des sets de runes complets.
Riot et le jeu social
Curieusement, LoL est un jeu parfois tellement exaspérant de par sa communauté qu'on en vient TOUJOURS à essayer d'y inviter ses amis pour se taper le moins de pick-up possible. Stratégie Riot ? Trêve de plaisanterie ! League of Legends, on peut y jouer seul, mais on ne l'est jamais. Composer avec son équipe, avec l'équipe adverse, avec votre conjoint(e) qui essaie de vous parler en plein teamfight ou votre chat qui prend ses quartiers sur votre clavier, voilà le lot du LoLeur. Qu'on l'aime ou qu'on la déteste, la communauté de LoL est vaste et permet parfois de bonnes rencontres. La clé de la victoire se trouve très souvent dans le jeu d'équipe, et il vous faudra trouver le juste milieu entre votre volonté de sortir du lot, de jouer comme il vous plaît et le devoir de se conformer aux règles (tacites mais bien présentes) pour ne pas froisser votre équipe.
Personnellement, c'est ce que j'apprécie dans ce jeu. Certains trouvent aberrant qu'un classement solo soit établi à partir d'un jeu qui se joue en équipe, mais il est si gratifiant de carry une game que les affres d'une mauvaise partie sont vites oubliées et l'on relance une partie en se disant que, cette fois-ci, on ne laissera pas ce Singed gagner la game tout seul. Car on fait sur le jeu ce qu'on veut faire dans la vie, c'est-à-dire briller aux yeux des autres, sentir ces petits moments de gloire qui font du bien. C'est pour ça qu'on revient à LoL entre autres, et qu'on essaie de progresser. Et qu'on y amène ses amis. Pour leur faire profiter de votre expérience du jeu, les regarder fail au début, progresser au fur et à mesure, et se sentir fier de son padawan à son premier carriage (Matt, si tu me lis, c'est pour toi !). Et pour Riot c'est du tout bénéf.
Accessibilité et mise à jour
League of Legends arrive non seulement à attirer et à facilement garder son public malgré la communauté parfois insupportable pour la majorité d'entre nous, mais surtout a su rendre son jeu très accessible. Beaucoup plus en tous cas que son concurrent direct, DotA 2 qui reste très élitiste. Il y a une énorme différence entre être débutant sur LoL et débutant sur DotA 2 : le fait de ne pas perdre d'argent lorsque l'on meurt, celui de n'avoir que les creeps adverses à hit (dans DotA, vous pouvez deny vos propres creeps), j'en passe et des meilleures. Le design moins sombre de la map rend aussi le jeu plus attractif, la carte et le jeu semblant plus clairs, même si cela est bien sûr sujet à débat. Si DotA et son héritier passent pour être des jeux qui réclament plus de skill que League of Legends (sûrement à raison), il n'en reste pas moins que le fun n'est pas spécialement le même et Riot l'a bien compris. Ses designs colorés, ses personnages bigarrés, ses skins funs, sont autant d'arguments qui font la différence sur le plan de la fréquentation du jeu.
Le contenu de League of Legends est, de plus, remis à niveau très souvent. Un personnage tous les mois en moyenne, voire plus, accompagné d'un patch, de nouveaux skins, des modes de jeu funs rajoutés depuis deux ans montrent l'intérêt de Riot pour son seul bébé. Le fils unique de l'éditeur américain bénéficie aussi de nombreux patchs d'équilibrage, qui permettent de rendre le jeu compétitif.
Tout pour l'eSport !
Riot l'a déjà annoncé et le montre sans cesse, League of Legends est un jeu compétitif. Et Riot a fait de l'eSport le fer de lance de son jeu. La finale de la Saison 2 au cashprize de victoire exorbitant (1 000 000 $) est le meilleur exemple de cette volonté affichée l'année dernière. Mais Riot peut se vanter d'avoir lancé le premier championnat professionnel rémunéré. Assez trouble au début, ce dispositif de championnats professionnels est plus clair avec les all-stars et est apparu à la face du monde : les meilleurs joueurs élus par les fans) des LCS EU, LCS NA, Tencent LPL, GPL et OGN s'affrontaient la semaine dernière dans un format unique, pour la suprématie mondiale. Un tournoi bling-bling mais qui présente bien les 5 championnats professionnels de League of Legends qui concentrent toute l'attention des fans. Tant et si bien que les autres grands tournois passent presque à la trappe, ne faisant office que d'amuse-gueules dans les semaines de creux sans LCS and co. Par cette initiative, Riot garde complètement le contrôle de son jeu et impose son rythme, ouvrant la voie à la professionnalisation des eSportifs par les éditeurs.
Riot, champion de la rentabilité ?
Pour terminer, qu'on s'entende bien. Cet édito n'est pas une apologie du modèle de Riot ou de son jeu, même si c'est celui qui me permet de m'acheter des pâtes, et je n'ai aucun arrangement financier avec Tencent, Riot ou autre pour encenser League of Legends.
Nous sommes d'accord, Riot Games n'est pas une association caritative destinée à distiller du bonheur aux gamers sans contrepartie. Leur but est donc d'être rentable, de faire « tons of money ». Le premier de leurs deux chevaux de bataille, est donc la rentabilité ingame avec la vente de champions, de skins ce qui implique qu'ils doivent en sortir le plus souvent possible, même au détriment du confort de jeu. Le second est la promotion via l'eSport, qui on doit l'avouer marche admirablement bien. Vous ne verrez pas de bannière de promotion du jeu sur le net, pas de pub à la télé pour League of Legends ou de pop-up abusives sur vos sites de téléchargement (légaux bien sûr) ; Riot investit dans et pour l'eSport car c'est ce qui fait parler de son jeu, le rend crédible devant les investisseurs et ramène les sponsors. Un nouveau modèle est né, et Riot a réinventé le free-to-play rentable et user friendly. La question est, pour combien de temps ?