Prenez votre respiration avant de vous plonger dans cette interview-fleuve passionnante et passionnée de MoMaN qui nous fait découvrir d'autres facettes de sa personnalité et de son double métier de joueur/commentateur.
- Partie n°1 - Allo MoMaN : son caractère, sa famille, sa babou
- Partie n°2 - MoMaN et l’eSport : analyse, parcours, souvenirs et nation wars
- Partie n°3 - MoMaN d’anthologie : ElkY, ToD, Stephano et Millenium
- Partie n°4 - Inside MoMaN : Team LDLC.com, ASUS ROG, Pomf & Thud
- Partie n°5 - L’actu du MoMaN : StarCraft 2, ShootMania, France-Espagne
[M] BigCrook : Actuellement et depuis plus d’un an, tu es joueur StarCraft II pour Team LDLC.com. Il y a deux semaines à la Gamers Assembly, la délégation était tout simplement impressionnante avec 70 personnes et un niveau entier investi par le staff. Mais au-delà de ce grand barnum, c’est surtout la bonne ambiance qui régnait sur le stand que les visiteurs ont notée. Peux-tu nous en dire davantage sur l’organisation et les projets de la structure ?
[LDLC/ROG] MoMaN : En fait LDLC, c’est un peu comme une famille et c’est pour ça que je suis rentré chez eux. Si tu rentres, on met les points sur les « i », les barres sur les « t » et les queues dans les « q » [rires]. Mais ce qui est important, c’est que si tu respectes LDLC, LDLC te rendra le respect et ce respect mutuel, c’est primordial dans une structure pour que tout se passe bien. Il y a vraiment une super ambiance. Evidemment, il y a des hauts et des bas comme partout, mais il y a plus de hauts que de bas. Stéphan et Anthony gèrent ça et se mettent à 2000%. On a beaucoup de bénévoles, quelques auto-entrepreneurs et qui que tu sois, si tu fais du bon boulot, tu iras à la GA, pas de soucis. On voit qu’il y a eu 70 personnes, c’est énorme surtout que ça a un vrai coût pour faire venir et loger tout le monde, mais ils le méritaient vraiment et donc c’est normal !
Pour ce qui est du futur, on va envoyer du monde à la GeeX, je ne pense pas qu’on sera 70 car la GA c’est vraiment le point de rencontre annuel de l’équipe LDLC, mais il y aura quelques joueurs et shoucasters. Pour ce qui des projets internes, je préfère laisser répondre Stéphan et Anthony mais ce que je peux dire, c’est que Team LDLC.com continue d’avancer : le site internet est devenu un site communautaire et de news, on travaille beaucoup sur la web TV et on va bientôt avoir notre studio pour proposer des streams de qualité. Il y a des projets à proposer, des compétitions à couvrir, des évènements à gérer, la web TV qu’on va avoir à gérer avec un contenu à améliorer et notre studio qui est en dessous des bureaux du magasin LDLC qui est un des points importants et qui montre que la structure tend à se professionnaliser de plus en plus.
La délégation Team LDLC.com lors de la Gamers Assembly 2013 (Crédit photo : Team LDLC.com)
A l’image de Brad Pitt pour Chanel N°5, Romain Grosjean pour Total, tu es l’égérie d’ASUS Republic of Gamers. Evidemment, le port du maillot ROG et de la casquette Goomba est obligatoire mais ton rôle ne se limite pas uniquement à celui d’homme-sandwich, j’imagine ?
[rires] D’abord, c’est de faire les compétitions pas uniquement pour faire l’homme-sandwich mais surtout pour faire de bonnes performances, c’est un point important. Après au niveau de l’organisation avec ASUS et LDLC, j’ai des choses à faire. J’aide à gérer les évènements que ce soit avant, pendant ou après : il faut monter les stands, gérer les stands, etc. C’est aussi un point important. C’est vrai qu’en tant que joueur, spectateur ou visiteur, on ne se rend pas compte que deux ou trois jours avant, il y a beaucoup de gens qui bossent comme des dingues pour monter et préparer l’évènement. Par exemple avec LDLC, les gens nous demandent des ordinateurs, donc on doit monter les PC, on doit les installer. Ca fait partie de mon job, je suis à fond sur cette partie-là aussi et ça m’apprend pas mal de choses sur le côté évènementiel. Je ne suis pas que sur le côté des jeux vidéo, je bosse aussi sur le côté évènementiel. Par exemple à la Gamers Assembly, je suis arrivé jeudi matin avec toute l’équipe et on a monté les stands, on a géré et on a fini vendredi. Donc je n’avais pas trop dormi pour le début de la compétition le lendemain et je ne me suis pas entraîné durant 3 jours, mais je m’étais quand même entraîné la semaine d’avant.
Après concernant la GA, mon bilan en tant que joueur est plutôt mitigé puisque j’ai fait premier des deux phases de poules en battant des joueurs qui ne sont plutôt pas mauvais. J’ai beau être un petit vieux, j’ai battu des jeunes joueurs montants comme BsK, etidrood ou Naffy. Donc ça veut bien dire que le joueur que je suis n’est pas mort et toujours bien là avec mon Top 16. Après j’ai perdu contre YoGo, mais YoGo avec ses Mutas dopés aux stéroïdes, il a même envoyé MiNiMaTh au tapis !
En tant que joueur justement, quels sont les objectifs que tu t’es fixés et quels sont les évènements auxquels tu penses participer dans les mois à venir ?
Je vais aller à la GeeX. On envisage peut-être d’envoyer quelques joueurs à la DreamHack Summer à Stockholm mais rien n’est sûr encore. Ensuite il y aussi les évènements avec O’Gaming et LDLC mais là ce sera plus en tant que commentateur. Si on peut caster de grosses compétitions, je le ferai mais je ne connais pas encore les dates exactes.
Au niveau de mes objectifs en tant que joueur, arriver à gagner un gros tournoi français ou à faire un huitième de finale de DreamHack, ça me ferait tellement plaisir mais ça va être super dur et il faut vraiment que je m’entraîne pour y arriver. C’est d’autant plus compliqué que je m’entraîne moins qu’avant du fait des projets que je mène en parallèle. Mais je continue de m’entraîner aussi souvent que possible.
Depuis l'été dernier, Anoss et toi avez été recrutés par la société Alt-Tab Productions de la team Pomf & Thud, ces derniers souhaitant apporter un peu de fraîcheur et de renouveau dans les commentaires de parties de StarCraft II. Tu formes ainsi un nouveau duo avec Thud avec plusieurs émissions par semaine et des VODs sur Youtube. Vous êtes-vous « trouvés » facilement comme on dit dans le jargon des commentateurs ?
Oui, on s’est trouvés assez facilement avec Thud. Après je pense que c’est facile de s’entendre avec son co-caster. Mais ce sont les points sur lesquels il faut progresser que c’est un peu plus dur. Au moment où on est arrivés Anoss et moi-même, on s’est fait cracher dessus du début à la fin : « Pomf et Thud, coupez ! », « c’est qui ces connards ? », « putain, l’autre il ne sait pas parler français, qu’il retourne dans son pays ! », « qui sait l’autre racaille là-bas qui parle comme un ouf ? », etc. A ce moment-là, on a pris tellement chers. Même si c’était des haters, c’était vraiment violent, j’avais vraiment mal et je me suis demandé si je devais arrêter. Dans ma tête, je m’interrogeais : « est-ce que je suis un poids pour Pomf et Thud ? », « est-ce que je devrais pas en parler avec eux pour leur demander s’ils étaient bien sûrs d’avoir pris la bonne personne ? », etc. J’étais complètement au fond. Se prendre autant de commentaires négatifs, ça fait mal, c’est vraiment dur mais ça te force à te remettre en question.
Donc j’ai parlé avec Pomf et Thud de tous critiques négatives, de mes défauts dans mes commentaires en leur disant que je savais que j’étais loin d’être parfait, que peut-être ce n’était pas un bon point pour leur image et ils m’ont dit : « Mais non, t’inquiète pas des critiques à la hater. Pomf et Thud, ça fait deux qu’on est ensemble, ils ne comprennent pas ce qui se passe et c’est bien de mettre de la fraîcheur. Reste, on continue, on progresse ! » Et trois mois plus tard, il y avait moins de commentaires négatifs, plus de points positifs et surtout des critiques constructives. Par exemple, il y avait plein de moments où je n’arrêtais pas de gueuler comme un malade, ça faisait limite un peu gamin et c’était trop, donc je me suis calmé là-dessus. Il y aussi des moments où j’ai plein de choses qui se mélangent dans ma tête en français et en espagnol et je balance des trucs incompréhensibles. Je suis également conscient que mon français laisse à désirer et j’essaie de m’améliorer pour bien parler français et je demande aux gens de me corriger, même en live. Je progresse, je m’entraîne, je corrige ma diction, je fais attention à ne pas bouffer les mots, etc.
Au final, je sais que ce ne sera pas 100% des gens qui vont aimer mes commentaires, mais j’essaie de viser les 75% au lieu de 25% aujourd’hui. Mais attention, je reste moi-même, je ne vais pas non plus changer entièrement, je ne veux pas jouer un rôle. Car si je ne suis pas moi-même, ça ne me plaira et ça ne servira à rien que je continue.
Thud et MoMaN sur O’Gaming TV (Crédit photo : TROLLSC2)
Passer au maquillage, travailler sur un plateau en studio, apprendre à gérer les caméras, écouter les indications d’un réalisateur dans l’oreillette - même si on a l’impression que BigB prend à malin plaisir à vous déstabiliser -, etc. Comment as-tu vécu ce passage du côté de l’envers du décor avec une véritable équipe de professionnels ?
Ca s’est super bien passé. Je m’entends bien avec tout le monde. Je suis arrivé, on a parlé, ils m’ont expliqué que ça allait bien se passer. C’est tellement bonne ambiance que je n’ai jamais ressenti de pression. C’est pro, ils travaillent comme des malades derrière toi mais c’est dans la bonne ambiance, ça râle pas, ils s’amusent à monter, ils s’amusent à faire l’émission avec nous, ils nous troll et moi c’est ce que j’aime.
Quand vous regardez l’émission Heart of the Swag avec Thud et moi, si vous me voyez des fois rigoler dans le vide, je me marre tout seul, je fais des signes et c’est parce qu’il y a une blague qui est sortie de l’oreillette de la part de BigB, Nico, Cardell ou autres. Donc c’est vrai qu’il y a des moments où je ne suis pas assez pro pour relayer la vanne aux viewers ou alors je ne devrais pas être déstabilisé. Mais ils le font exprès et je m’amuse aussi grâce à ça. En tant que commentateurs/présentateurs/animateurs, on est vraiment mis dans les meilleures conditions. Ils sont là pour ça, ils savent ce qu’ils font et ils ne font pratiquement aucune connerie.
Dans son témoignage, Thud nous apprend que tu es le premier joueur professionnel à avoir franchi le pas de la porte de la P&T Cavern, à l’époque où ils commençaient à peine à se faire connaître via leurs vidéos sur Youtube. Peux-tu revenir sur cette rencontre ?
Alors ça remonte à loin et si je ne dis pas bêtise, la première fois que je les ai vus, c’était à une LAN, ce devait être les EPS 2010 où j’avais perdu en finale face à SarenS. C’était vraiment bon trip avec la bière, bonne ambiance. Le pire c’est que la première fois que je les ai rencontrés, je n’avais même jamais regardé leurs vidéos sur Youtube mais un pote m’en avait parlé. Après ils m’ont invité à la P&T Cavern, j’ai bien évidemment accepté et depuis j’ai répondu présent à chacune de leur sollicitation et à chaque fois, c’est que du bonheur !
Aujourd’hui, avec O’Gaming, avec Iron Squid, Pomf & Thud sont devenus des ambassadeurs de l’eSport en France, même s’ils refusent qu’on leur colle cette étiquette. Devant un tel succès que tu partages aujourd’hui avec eux, comment arriver à garder la tête froide et conserver l’esprit « bon trip entre potes » ?
Honnêtement, ils n’ont pas le temps de prendre la grosse tête car ils ont trop de projets en parallèle. Ils n’ont pas de temps pour eux, ils n’ont pas de temps pour réfléchir. Et puis, pour prendre la grosse tête, il faut avoir beaucoup d’argent. Là, ils ne sont pas si bien que ça, il n’y a pas beaucoup d’argent, ils « survivent ». Je pense qu’ils sont fiers de ce qu’ils font mais ils gardent la tête sur les épaules car ils ne gagnent pas beaucoup d’argent. Pour l’Iron Squid 2, ils ont même perdu de l’argent. Mais tout ce qu’ils font, c’est vraiment énorme !
Quel est selon toi le pourcentage de chance qu’il y ait un Iron Squid III ?
Je dirais 75%. Ils le veulent, ils sont motivés et comme on dit, jamais deux sans trois ! Même si Iron Squid 2, c’était à perte, c’était tellement énorme que je suis presque sûr qu’il y aura un 3 mais le truc, c’est qu’on ne sait pas quand.
En plus de ta casquette Goomba, tu as donc une double casquette de joueur et de commentateur. Entre scène et backstage, où te sens-tu le plus à l’aise aujourd’hui ?
Je dirais 50/50. Des deux côtés, les choses qu’on peut vivre sont juste incroyables. En tant que joueur, tu fais le show sur scène et il y a des gens qui te soutiennent et qui hurlent ton nom. En tant que commentateur, les mecs sont réceptifs : ils te répondent, ils rigolent, ils sont à fond.
Sans donner les montants inscrits en bas de tes fiches de paie et même si on rêve tous d’avoir un salaire de footballeur professionnel, considères-tu que tes revenus te permettent de vivre convenablement ?
Oui, convenablement. Mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas fixe, que ce n’est pas stable et que les heures notamment quand il y a un évènement, on ne les compte pas. C’est du non stop, H24 pendant deux ou trois jours. Ca reste une passion avant tout.
Même s’il y a constamment des adaptations à faire en fonction de l’actualité et des évènements, à quoi ressemble une semaine « ordinaire » si on se met dans la peau d’Emmanuel Marquez ?
Alors commençons par lundi. Je me lève et je te bouscule, tu ne te réveilles pas, comme d’habitude [rires]. Donc je me lève vers 10h, je ne prends pas de p’tit déj’ car je n’en prends jamais. Je vais sur mon PC et je m’informe sur le site de Team LDLC, sur les sites de news et tout. Puis je regarde un peu les streams, quelques replays pour me réveiller. C’est la journée où je peux quand même un peu prac. Après manger, je m’entraîne pas mal et j’enchaîne les parties en Ladder tout l’après-midi. Vers 18h, direction la Pomf & Thud Cavern pour faire l’émission Heart of the Swag sur O’Gaming TV. Je rentre chez moi aux alentours de minuit, je passe un peu de temps en matant une série avec ma copine et Nova, ma petite chatte. Des fois, on essaie de regarder Top Chef mais on tombe toujours sur Norbert et Jean !
Le lendemain, mardi donc, je me lève vers 8-9h et je vais au magasin LDLC qui se situe rue de l’Eglise dans le 15ème arrondissement de Paris. C’est là aussi que se trouvent les bureaux de Team LDLC.com juste au-dessus du magasin. C’est boulot-boulot jusqu’à 18h et s’il y a moins de boulot, je m’entraîne ou je m’informe sur les sites communautaires. Le mardi soir, on se fait généralement une petite soirée Ragnarok. C’est marrant parce qu’on a une petite équipe avec Olix, Soso, Jessaipa, camigraphie, babou et moi, trois couples. On fait nos petits raids pendant 2-3 heures et c’est vraiment bonne ambiance, on rigole, on s’amuse. Vers 23h30, p’tite douche, p’tite série et dodo.
Le mercredi, c’est la même que le mardi pour ce qui est de la journée sauf qu’en plus, j’ai un créneau de stream sur la web TV LDLC de 12h à 15h où je fais du Ladder commenté et où je réponds aux questions des viewers. Actuellement, ça se lance tranquillement, on tourne à 300-400 viewers mais on s’y est mis il y a juste 2-3 semaines, donc c’est tout nouveau. Le soir, babou s’entraîne sur ShootMania, moi je m’entraîne sur SC2 et de temps en temps, on se fait une sortie resto ou ciné.
Le jeudi, même chose que mardi et mercredi pour la journée. Je vais bosser aux bureaux de LDLC. S’il y a un évènement à organiser, des PC à préparer, des palettes à préparer, je m’y colle et surtout j’apprends. Le soir, je lance tranquillement le stream depuis chez moi de 20h à 22h pour Team LDLC et après petite soirée tranquille.
Vendredi, le matin c’est pépère comme le lundi. Vers 13-14h, je vais à la P&T Cavern pour faire les VODs de leur chaîne Youtube durant 3-4 heures. Après je rentre chez moi et je streame en début de soirée sur O’Gaminf ou sur ma propre chaîne et pas nécessairement du SC2.
Enfin le week-end sauf s’il y a un évènement, j’essaie de prendre du temps pour ceux que j’aime : je passe du temps avec babou, de temps en temps je vais les parents. J’essaie de décrocher pour ne pas saturer.
Tu es un joueur professionnel de haut niveau, tu possèdes les talents d’un véritable show man et tu travailles également pour un média eSport français, peut-oser cette comparaison et dire que MoMaN est à Ogaming TV ce que Vincent Moscato est à la radio RMC ?
[rires] Oui on peut dire ça mais je suis loin de l’égaler, très loin même. Ou plutôt non, je suis tellement loin de là où il est arrivé, je suis tellement rien par rapport à lui que c’est un peu trop osé de me comparer à lui !