Ô Swarm, ô désespoir
« Tu nous as tous transformés en monstres. » Kerrigan à Arcturus Mengsk
Heart of the Swarm, plus encore que les précédents opus, s’articule autour d’un personnage unique, d’un véritable destin tragique. Le gameplay va jusqu’à intégrer Kerrigan comme unité héroïque, mécanique simili-RPG héritière de Warcraft III, articulant tout le solo autour d’elle.
Tragédie donc au sens classique du terme puisque la belle, figure tiraillée par des puissances inaccessibles, est condamnée à des dilemmes insolubles. Libérée de sa malédiction, l’ironie du sort la place devant un choix cornélien : si elle conserve son humanité, elle ne pourra sauver Jim Raynor et se venger de Mengsk ; si elle redevient la Reine des Lames, elle ne pourra vivre son amour et se condamne à rester ce que Jim a combattu. En bref : il n’y a pas d’issue pour elle, comme pour toute grande figure tragique.
Tout le jeu tourne autour de cette déchirure : son combat pour conserver son humanité et l’insuffler à l’Essaim contre la nécessité de devenir un monstre pour en combattre un autre, devenir celle qu’il s’est juré de tuer pour sauver l’homme de sa vie.
On notera le soin apporté à la mise en scène des cinématiques : on peut penser à la scène où Kerrigan, encore humaine, se voit confrontée à la fausse annonce de la mort de Jim et à la présence d’un zergling, incarnant la part de l’Essaim en elle (sa « part d’ombre » comme elle le dit), et la nécessité de l’adopter pour parvenir à se venger.
Ou encore la scène où elle affronte Narud le polymorphe. Ce dernier prend la forme de Jim puis celle de Kerrigan elle-même, symbolisant sa lutte intérieure contre son amour et contre elle-même, rappelant énormément celle de Luke dans la caverne avec Yoda, où il affronte un Dark Vador qui est en fait son reflet. Notre anti-héroïne est alors sous forme de Reine des Lames et tue sa part d’humanité : Narud sous la forme de la Sarah originale.
Si elle parvient à ses fins avec l’aide de Jim, l’happy end n’est qu’en demi-teinte : ils sont obligés de se dire au revoir, leur amour étant désormais impossible.
HotS est une histoire d’amour et de vengeance, thématiques universelles parcourant les oeuvres fondamentales de l’humanité. Et comme souvent, les personnages de ces histoires sont maudits, condamnés, manipulés par des forces qui leur sont largement supérieures.