Voici un interview de Stephanie « Missharvey » Harvey de Ubinited. Son palmarès est impressionnant avec pas moins de 3 titres de championnes du monde remportés. La joueuse canadienne a accepté de répondre à quelques questions, qui nous permettent d'en apprendre plus sur la scène féminine
Millenium.org : Bonjour Stephanie, cela fait maintenant un peu plus de 5 mois que le jeu est sorti et qu'une scène féminine a émergé, peux-tu présenter brièvement le panorama actuel de la scène internationale ?
Stephanie « Missharvey » Harvey : Il y a quelques mois, durant la coupe du monde, nous avons pu voir que la scène féminine de CS:GO était très serrée. Il n'y avait pas de réelle domination, comparativement à 1.6, et toutes les équipes avaient une chance de gagner. Finalement, ce fut quand même 2 équipes de 1.6, les Alternate et nous, qui se sont rendues en finales. Tout ça non sans avoir dû nous battre très chaudement en demi. Je crois que depuis ce temps, les équipes se cherchent un peu et il y a eu beaucoup de changement dans la plupart des grosses équipes. Les joueuses tentent de s'adapter, les équipes veulent s'améliorer et de nouveaux talents émergent peu à peu.
Vous avez remporté l'ESWC au terme d'une finale magique où la scène féminine a brillé de tous ses feux grâce à vous et Alternate. Quel bilan tirerais-tu de cet événement ? Penses-tu que la scène soit enfin reconnue à sa juste valeur et pleinement installée sur CS:GO ?
À chaque coupe du monde, c'est un couteau à double tranchant pour nous. Je crois qu'il est important d'avoir un tournoi féminin malgré les préjugés que cela engendre pour plusieurs raisons que je ne vais pas couvrir avec toi aujourd'hui. Par contre, avec cette finale hors du commun, je crois en effet que cela nous a donné une meilleure visibilité sur la scène CS:GO, surtout du côté des hommes. À mon humble avis, c'est plutôt la scène CS:GO en général qui souffre beaucoup et qui est sur le respirateur par rapport à des jeux comme League of Legends et Starcraft 2. Il y a beaucoup à faire pour raviver la flamme sur CS comme étant le FPS numéro 1, mais sans un aide de Valve plus approprié, on ne pourrait pas y arriver.
En France, les équipes féminines disposent de leur propre circuit (compétitions onlines et en LAN), avez-vous vos propres compétitions en Amérique du Nord ? Vous jouez actuellement en ESEA où vous comptabilisez 5 victoires pour 1 défaite, penses-tu que les compétitions mixtes soient l'avenir ?
Oui je crois que c'est le futur. Nous n'avons aucune ligue féminine ici et nous ne jouons que contre des hommes. La coupe du monde est le seul tournoi féminin auquel nous participons chaque année. Si on veut être les meilleures, il faut jouer contre les meilleurs, tous sexes confondus. Par contre, comme mentionné auparavant, je crois que cette coupe du monde est essentielle au gaming compétitif féminin. Il est rare de voir des filles dans le haut niveau de compétition pour beaucoup de raisons et offrir un événement permettant de célébrer l'excellence de celles qui se donnent cœur et âme pendant des mois est un énorme cadeau à la communauté. En 2004, j'ai suivi le parcours d'une joueuse américaine nommée Alice Lew qui s'est rendue à la coupe du monde et a terminé 5e. Sans elle, je n'aurais pas eu le désir d'amener mon équipe canadienne là-bas l'année d'après. 8 ans plus tard, je peux aussi affirmer que sans elle, je ne serais pas conceptrice de jeux chez Ubisoft Montréal. Merci, ESWC.
Une partie de la communauté pense certainement que la scène féminine n'est composée que d'équipes « marketing », qu'elles sont sur le jeu que pour faire de la figuration. Peux-tu leur prouver que cette idée est absurde ?
Je peux difficilement le prouver, car c'est souvent le cas, mais de notre côté nous ne faisons pratiquement pas de marketing. Depuis 2011, nous avons fait le choix d'être notre propre équipe indépendante aucunement associée à une structure. Nous n'avons de compte à rendre à personne et il est important pour nous de garder nos valeurs. La première règle est que nous ne ferons jamais de marketing sexuel. Jamais de jupes, de seins ou de photoshoot osé. Nous savons clairement que « SEX SELLS », mais c'est notre choix. Nous pensons aussi qu'il serait possible pour nous de faire des compétitions avec les équipes masculines de haut niveau comme nous l'avons fait à 1.6 en 2009 durant la Gamegune et que nos choix ne doivent pas affecter notre crédibilité dans la communauté. Je pense pourtant qu'il y a de la place pour les équipes de type « marketing », à chacun sa bataille.
Tu as récemment participé à une émission pour parler de ton équipe et du jeu, sens-tu un engouement nouveau pour la scène féminine ? Par ailleurs, un tournoi féminin sera organisé à la prochaine Copenhagen Games, penses-tu que la DreamHack se prépare à sauter le pas ?
Je ne crois pas qu'il y ait un engouement particulier envers les communautés féminines ici. Je crois plutôt que le Québec est prêt à entendre parler d'eSport comme un mode de vie (surtout avec l'effervescence des jeux vidéo à Montréal) et qu'à ce moment-là j'étais une excellente ambassadrice pour la cause. Pour ce qui est de la DH, elle a déjà été hôte de quelques tournois féminins donc oui il est fort possible d'en revoir un là-bas, si celui de CPH se déroule bien.
La prochaine grande compétition féminine internationale sera la Copenhagen Games, est ce que vous y participerez ? Quels sont vos prochains projets ?
Nous allons faire tout notre possible pour nous y rendre mais évidemment, étant de l'autre côté de l'océan, il sera très dispendieux d'y aller. Peut-être si la chance est de notre côté.
La scène féminine et le gameplay ont sans cesse évolué depuis le début sur 1.6. Peux-tu expliquer ces deux dynamiques en comparant 1.6 et GO ? Et quel constat global ferais-tu actuellement pour GO ?
Même règles de jeu, pourtant 2 titres complètement différents. Je ne veux rentrer dans les détails, ça pourrait me prendre 5 pages. Disons que CS:GO a beaucoup de chemin à faire s'il veut percer sur ce nouveau marché, parce que les chiffres le montrent pour l'instant, ce n'est pas un très grand succès.
L'interview étant terminée, je te laisse le mot de la fin.
Merci à vous d'avoir pensé à moi et merci à tous ceux qui nous supportent : fans, famille, amis, Razer et Ubisoft.