La scène du dîner familial du soir, avec pour bruit de fond le va-et-vient du balancier de la pendule de grand-maman, seulement interrompu par le bruit de la soupe qu’on avale, a depuis longtemps disparu. La pendule a été remplacée par la télé, grand-maman a été jetée à l’hospice depuis longtemps, quant à la soupe faite maison, des plats tout faits ou à moitié préparés l’ont remplacée.
Je ne dis pas que notre bon pays haut lieu de la gastronomie est totalement voué aux affres de la malbouffe, mais force est de reconnaître qu’on ne rejoue pas chaque soir dans les chaumières la chanson « C’est la fête ».
La gastronomie française vue par Disney
À une époque où tout est facilité pour les masses occidentales, où les femmes au foyer qui occupent leurs journées aux fourneaux se font aussi rares que les joueurs polis sur LoL, et surtout où on passe son temps à travailler ou à s’amuser, le temps dévolu à la préparation culinaire est en chute libre. Nous vivons dans une société de spectacle, de loisirs, d’amusement et de détente. Ce n’est pas dans les années 2010 que vous verrez des campagnes exaltant de travail rugueux et difficile du peuple qui sacrifie sa vie à la productivité nationale. Aujourd'hui, on consomme individuellement, des loisirs comme des biens en tout genre. Paradoxalement dans un monde baigné par la culture de la jouissance et du matérialisme frénétique, la bonne bouffe est en perdition dans les comportements de chacun.
Car même si la moindre affiche de pub vous incite au plaisir à grands coups de corps dénudés, les gens n’ont plus le temps : ils doivent travailler. Le travail n’est plus mentionné, plus évoqué, mais il est partout dans la vie de chacun. Nombre de gens travaillent beaucoup (quand ils ont la chance d’en avoir un), et en rentrant le soir on peut comprendre qu’ils ne débordent pas de l’envie d’aller écosser les haricots pour aller cuisiner la recette de mamie Jeanne. Les moments de temps libre sont eux consacrés à l’amusement et au plaisir. Aller se coller devant un écran, ou retrouver ses proches sera toujours plus plaisant que de se poser 3 heures à la cuisine pour préparer des assiettes qui seront englouties sans être réellement appréciées.
Pour autant, ce n’est pas parce que cette alimentation au quotidien sera sacrifiée à coup de plats tout faits ou de sandwichs avalés en vitesse le midi que le tableau est complètement noir. Les grandes occasions, ou les évènements plus conviviaux sont le prétexte pour mettre les petits plats dans les grands et de soigner la cuisine pour ses invités. Sur ce point, le manque de temps a eu peu d’effet et au pire, les plus flemmards se rabattront sur une sortie au restaurant.
Enfin, un autre paradoxe de notre temps, sera que ce délaissement quotidien ce sera fait au bénéfice de l’exaltation de l’art culinaire, surtout dans un pays comme le nôtre. Émissions, magazines, livres, sites internet à la gloire de la cuisine et de la bonne chère fleurissent toujours autant. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à voir le succès des livres de cuisine où la moindre photo est une ode au remplissage d’estomac, ou bien la santé insolente des émissions de cuisine-spectacle comme Master-chef ou Un dîner presque parfait.
Parodie de Master Chef, l'émission de cuisine-spectacle de TF1