Le 30 avril dernier, Riot Games a annoncé la mise en place dès le Summer Split 2017 d'un système de franchises dans la ligue chinoise, la LPL. Avant cette décision, c'est l'ancien caster et ex-propriétaire des Renegades Christopher « Montecristo » Mykles qui avait mis le feu aux poudres en postant une vidéo YouTube dans laquelle il pointait du doigt le danger économique que représentent les relégations.
Mais du côté des fans, le système de relégation est celui qui propose le plus d'enjeux sportifs, et donc le plus de spectacle. Malheureusement, tout porte à croire que League of Legends risque bel et bien de changer son système de compétition.
Pourquoi faut-il s'attendre à un système de franchises en LCS ?
L'idée de passer d'un système de relégation à un ensemble d'équipe franchisée est un débat récurrent au sein de la communauté esport, où se confrontent enjeux économiques et enjeux sportifs. Même au sein de la rédaction Millenium, tout le monde n'est pas d'accord, et les arguments sont nombreux. L'idée ici est donc de revenir sur les raisons qui expliqueraient le passage aux franchises au sein des LCS, et non de défendre tel ou tel système.
12 équipes seront présentes dans la LPL franchisée.
Le fonctionnement des franchises et le système de relégation.
Si vous êtes un habitué des sports américains, le concept de franchises ne devrait pas vous surprendre, tant il est répandu. En effet, la plupart des sports traditionnels aux États-Unis sont construits autour de ligues nationales comme la NBA ou la NHL où chacune des équipes se voit garantir sa place d'année en année, indépendamment de ses résultats. Autrement dit, vous retrouverez chaque saison les mêmes équipes s'affronter pour le titre. C'est le système qui se veut le plus stable, et qui permet aux équipes de se construire et se structurer sur le long terme.
En Europe, le système de franchise est peu répandu, et nous avons préféré le système de relégation. Si vous regardez du foot, vous le savez : les plus mauvaises équipes de la saison descendent dans la ligue inférieure, et les meilleures montent dans celle du dessus. C'est le système qui se veut le plus spectaculaire, permettant d'avoir un enjeu sportif aussi bien pour les premiers que pour les derniers.
C'est d'ailleurs ce deuxième système qu'a choisi Riot lors de la création des LCS en 2013 (équivalent de la ligue 1), et des Challenger Series, (qui serait donc la ligue 2).
Un match de LCS NA (Riot Games)
Le financement d'une équipe aux LCS
Mais alors pourquoi Riot voudrait-il changer ? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas ou plus dans le système de relégation, et pourquoi les acteurs impliqués en LCS demandent une modification des règles ? Pour avoir un premier élément de réponse, penchons-nous sur le financement des équipes, et les flux financiers qu'elles perçoivent.
La principale source de financement des clubs de foot ou de n'importe quel sport populaire provient des droits de diffusion TV. La ligue professionnelle vend à des chaînes de télé le droit de retransmettre les matchs pour une somme d'argent souvent (très) élevée. Ces revenus sont ensuite redistribués aux équipes, et correspondent à une part importante du financement d'un club, complétée par la vente de tickets d'entrée au stade, d'abonnements, de marchandising, publicité, ou sponsorship.
Selon Montecristo, mais aussi Fabien « Neo » Devide, le fondateur de Vitality, la source principale de financement des équipes LCS provient du sponsoring. Et par principale, entendez 90%. À la différence des sports traditionnels, il n'y a pas encore de droits de rediffusion, et c'est Riot, éditeur du jeu et producteur des LCS qui récupère l'intégralité des revenus générés. Et même si la firme de Marc Merill a revendu ses droits à MLB en 2016, aucune mention de redistribution aux équipes n'a été rendue publique.
En vert foncé, la part des revenus des clubs de premier league anglais liés aux droits TV. (source, Delloitte's forecast for soccer team, 2015)
Cette différence majeure entre clubs de sport et d'esport crée une dépendance économique immense de ces derniers envers leurs sponsors. Et le fait qu'une équipe puisse être, en l'espace de 6 mois, reléguée en CS où la visibilité est nettement plus faible, pénalise énormément ces équipes. Beaucoup de gros sponsors y voient un risque trop grand de manque à gagner, et ne souhaitent tout simplement pas investir dans l'esport. Voilà tout le noeud du problème : sans partage des revenus de la part de Riot, les structures LCS ne peuvent plus suivre le développement de la scène
Le développement d'équipes géolocalisées
Pour Riot, le système de franchises apporte un autre avantage que la stabilité économique des structures. Vous le savez, certaines équipes de sport traditionnel commencent à investir dans l'esport, mais principalement en Europe, et relativement peu sur LoL par rapport à la taille du jeu. Toujours selon Montecristo qui aurait discuté avec une demi-douzaine d'équipes américaines de sports professionnels, beaucoup d'entre elles ne comprennent pas le système de relégation et le risque que cela encourt, refusant de facto d'y investir.
Comparatif entre les équipes de sport américaines (encadrées en bleu) et européennes investies dans l'esport (source: TNL.Media, 2017)
L'objectif de Riot ici est double : favoriser l'arrivée de ces équipes aux fortes capacités d'investissement, et ainsi pouvoir mettre en place un système d'équipes géolocalisées. En effet, impossible pour une équipe sous le joug d'une relégation de se développer financièrement sur le long terme, en investissant localement dans des infrastructures. En revanche, avec des équipes disséminées à travers le pays et soutenues par des investisseurs sur le long terme ayant déjà des infrastructures (notamment des stades dans le cas des clubs), le système de franchise permet de développer une fanbase locale, et donc durable, parfois déjà existante.
Un système de franchises bientôt en Europe ?
Il est évident que le concept d'équipes permanentes au sein des LCS représente une perte d'attrait pour beaucoup de spectateurs. Cependant force est de constater que le système actuel ne permet pas au jeu de se développer aussi vite que l'entend Riot Games. Marc Merill et ses équipes ne se sont jamais caché de vouloir faire de League of Legends l'équivalent de la NBA ou la NFL de l'esport. Et pour y parvenir, il semblerait que Riot cherche à mettre en place des équipes géolocalisées, soutenues par des investisseurs solides et sur le long terme, que seul un système de franchises permettrait de réaliser. Il ne fait donc que peu de doute que les franchises vont bel et bien arriver en NA rapidement.
Maintenant, rassurons-nous. Alors que ces arguments sont cohérents pour un changement de système sur la scène nord-américaine, difficile de pouvoir géolocaliser des équipes sur un continent aussi disparate que l'Europe. De plus, le système de relégation est bien plus ancré dans notre culture sportive, et freine donc moins les investisseurs. Il n'est pas impossible que les dirigeants européens de Riot suivent leurs homologues coréens qui ne souhaitent pas franchir le pas, du moins pour le moment. En Europe la transition vers un système de franchise semble donc moins vitale que chez nos voisins américains. Alors, réjouissons-nous de pouvoir profiter encore un peu de nos chers LCS EU et Challenger Series.
A Rio, le MSI bat toujours son plein. |
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