Gravity rush Remastered : le test
Ancien fer de lance et petit chef d’œuvre de la Playstation Vita, Gravity Rush s'échappe de son format portable pour venir faire irruption sur notre grosse machine de salon. Venu principalement pour installer une nouvelle fanbase avant de sortir un 2e épisode en exclu sur PS4, ce Gravity Rush Remastered a donc tout intérêt à faire frémir les possesseurs de celle-ci comme il l'a fait autrefois sur Vita. Ça fonctionne ? Réponse ici.
Le test est ici celui rédigé à la sortie de la mout(mout)ure Vita par l'éminent Stargazer, avec l'ajout d'un bloc en fin de page détaillant les spécificités de cette version ps4.
Gravity Rush Remastered - Trailer d'annonce
Fiche du jeu |
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Titre du jeu : Gravity Rush Remastered Genre : Action/Aventure Éditeur : Sony Développeur : Team Siren Site officiel : Ici Plateformes : PS4 Prix : 30€ |
Kat's eye
Que sont devenus tous les développeurs dont on croisait le nom dans le générique de fin des plus grands hits japonais des années 90 ? Certains ont définitivement plié bagage ou tourné la page. Il faut dire que pour plaire aux têtes blondes aujourd'hui on fait plus facilement confiance à de jeunes loups à la vingtaine ou à la trentaine à peine entamées, qu'aux récents quinquagénaires tout auréolés qu'ils soient d'un prestigieux passé. D'autres, par contre, font partie du paysage. On les croise même encore sur les planches de conférences officielles d'événements mondiaux, le sourire accroché au visage comme au premier jour, à croire qu'ils ne vieillissent jamais, n'est-ce pas monsieur Miyamoto ? Et puis arrivent ceux dont on attendait un retour, sans trop y croire. Comme quoi, tout arrive...
C'est le cas de Keichiro Toyama et Naoko Sato, les ex de la Team Silent, à qui l'on doit le premier Silent Hill sur Playstation, le genre de jeu qui donne de l'éclat sur une carte de visite. En quittant le navire Konami et en rejoignant Sony, ils montèrent dans les années 2000 avec Isao Takahashi la Team Siren en référence à la licence qu'ils créèrent à ce moment. Siren était une franchise qui redonnait goût à l'horreur et qui consacrait la survie comme un élément essentiel du gameplay de leurs jeux. S'en suivraient plusieurs épisodes jusqu'en 2008 et puis « Silence Radio ». Après 4 ans de développement Gravity Rush voyait le jour cette année 2012 sur Playstation Vita, un titre sorti de nulle part, qu'on attendait à peine faute de pouvoir réellement comprendre ce que pouvait proposer le jeu. Passé sous le radar , le nouveau titre de la team Siren a tout de la petite sensation improbable, le genre de surprise bien aligotée et servie fraîche dans le cadre resplendissant de l'écran de la nouvelle portable de Sony.
Kat est plutôt blonde, la mèche un poil rebelle, la silhouette fine montée sur talons hauts. Elle a le câlin minois, le visage aux traits doux toujours un peu étonné et la petite voix adorable quand elle baragouine la langue imaginaire que l'on parle à Heksville, cette ville suspendue dans les airs qui dérive dans les courants d'une mythologie incertaine. L'écharpe dans le vent et l'animation tranchante, Kat a tout de l'acrobate de poche dans sa tenue de scène qu'elle aurait pu piquer à Lady Gaga, le regard pourpre et les fesses ballons, elle se déhanche le pas pressé dans les embranchements de la cité. La première rencontre avec l'héroïne de cette aventure actée a tout du premier rendez-vous réussi.
Le personnage que Keichiro Toyama et Naoko Sato ont créé a assez de charisme pour nous faire basculer dans son univers au premier clin d'oeil. Si l'on considère que la réussite d'un jeu tient aussi à l'attachement que l'on peut développer pour pour son personnage principal, avec Kat on peut le dire « A star is born ». Derrière la blondeur de la belle et la verticalité de la métropole se cache une arithmétique de l'esthétique dont la formule alchimique tient dans une équation où la liberté d'action se veut euphorisante et la direction artistique, une rampe de lancement vers un monde fantastique entre le Ghibli et Metal Hurlant, on en a déjà plein les mirettes.
Quand on demande à Toyama ce qui a pu lui passer par la tête pour créer un tel univers, on suit le fil d’Ariane dans son imaginaire et on s'aperçoit que parmi ses références apparaît le nom d'un certain Moebius, l'impression de vivre l'Incal (le vrai celui aux couleurs originelles) en filigrane derrière les décors pastels du jeu des japonais est plus que jamais palpable. Jusque dans son découpage et sa mise en scène Gravity Rush adopte le point de vue de la BD et du manga, histoire de filer un peu plus l'allégorie vivante des cascades de pixels à son origine papier, les cases pleuvent à chaque fin de chapitre comme pour nous faire tourner les pages de l'aventure renversante et sublimée de Kat, et nous on plonge.
Kosmo Kat
Kat a perdu la mémoire, comme effacée d'un monde auquel elle appartient, on découvre Hecksville à travers ses yeux rubis après notre première rencontre avec Poussière, l'autre Cat du jeu. Le petit chat noir est doté de pouvoirs magiques, en sa présence notre héroïne peut jouer avec les lois de la gravité et la physique devient un jouet entre les mains des arpenteurs de l'agglomération. Une surprenante découverte qui nous fait appréhender l'espace de manière assez « déboussolante ». À chaque pression de la gâchette Kat se met à léviter, ne reste plus qu'à choisir une direction pour automatiquement se projeter vers celle-ci.
Toutes les surfaces des immeubles, des constructions en tout genre ou même des blocs de pierre en orbite autour des atolls qui composent l'univers de Gravity Rush deviennent alors des plateformes sur lesquelles le joueur peut évoluer. La tête en bas, on marche littéralement au plafond, entre deux sauts grisants de vitesse pour plier l'espace. La gymnastique aérienne devient vite un sport que l'on pratique sans déplaisir, à part peut être quand les collisions savonneuses s'invitent comme des pentes glissantes aux débats lors de nos séances de voltige ou que le gyro sensor se découvre une vocation sur le tard. Heureusement c'est plutôt le « Giraud sensor » qui magnétise le cœur du jeu et polarise l'expérience au point de la faire basculer dans le prodigieux. Les commandes répondent au poil, la précision des sauts est au rendez-vous et devant la liberté que nous offre les possibilités d'évolution dans les méandres urbains, on se découvre vite touristes à parcourir chaque recoin de la carte à la recherche d'une gemme ou d'un défi à relever.
Pas le temps non plus de flâner dans le monde ouvert d'Hecksville et de découvrir tous ses secrets, le mal s'est infiltré en même temps que nous dans les ruelles de la cité, sa matière noire et visqueuse a matérialisé des monstres polymorphes aux allures ambivalentes qui terrorisent les habitants de la cité volante. Comme si entre deux séances de brainstorming Toyama avait visionné le voyage de Chihiro, les masses informelles et sombres ont ces allures énigmatiques, à la fois grotesques et incongrues qui accentuent cette impression d'étrangeté autour de l'univers Gravity Rush.
Chute sans gravité
Si la Team Siren n'a pas raté son héroïne que dire du chara-design du titre sinon qu'il frôle la perfection, les personnages secondaires, les bad guys, les boss inoubliables, tout est racé au point de penser au hold-up complet. Un travail qui nous rappelle aux souvenirs de mangas qui avaient fait de tous les personnages de leur série d'importants rouages dans le traitement global de leur histoire. On pense notamment à Saint Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque) ou Captain Tsubasa (Olive et Tom) pour les plus connus. Avec Gravity Rush on redécouvre cette richesse de background et d'intentions. La cohérence est là comme un liant qui donne de l'impact aux twists qui se dénouent à l'écran, pour un jeu destiné à une portable, c'est du grand art.
Kat devra manœuvrer dans les airs, suspendre son vol, pour mieux piquer du dard de ses talons aiguilles les envahisseurs de la cité. Si Gravity Rush joue de sa physique et de celle de son héroïne comme d'une promesse revigorante pour ce qui concerne la partie plateforme du titre, le jeu embrasse des mécanismes plus larges quand on essaie de définir le type auquel il appartient. Entre le jeu d'aventure, le RPG ou le beat them all, que ce soit dans la forme ou le fond les cartes sont brouillées pour notre plus grand plaisir.
Plus on amassera de cristaux et plus il nous sera possible d'upgrader les capacités de la féline : Gravity Kick, accélération de notre vitesse de chute, augmentation du power de nos attaques glissées ou tout simplement de notre jauge de santé, tout est fait pour apporter une profondeur à son arborescence de contenu. Son bric-à-brac contextuel est, à ce sujet, un petit bonheur pour les fervents défenseurs de gameplay à géométries variables. Un coup d’œil sur la carte, et on se balade avec facilité dans les options d'une simple pression du doigt sur l'écran. Les menus sont clairs et bien finis, l'impression de minutie dans la réalisation de Gravity Rush n'est pas une chimère, mais bien un accomplissement jusque dans ses plus menus détails.
Perdue dans son exil cérébral et sa recherche d'identité Kat pourra s'essayer aux défis qui jalonneront sa quête principale, des mini-games qui intègrent dans leur game-design les fonctionnalités de la Playsation Vita comme des plages ludiques pour justifier de l'écume technologique de la machine. Alors on prend la vague sans trop se poser de questions et on attaque les tubes histoire de prolonger l'immersion plus en avant. Courses en apesanteur, petites misions taxis ou correction de Nevis - le nom des monstres que l'on rencontre dans Hecksville - sont autant de gimmicks simplissimes qui ponctueront l'avancée des joueurs dans le scénario de Gravity Rush et entretiendront la flamme auprès des chasseurs de platines, des lignes de fuite annexes qui ont finalement de l'importance.
Tout ça est frappé du sceau des combats de boss qui viendront finir les chapitres comme des points d'exclamation exemplaires à chaque coup de théâtre. Des combats qui adoptent le même fonctionnement que ceux que l'on découvrira tout au long de l'épopée de Kat. Chaque ennemi est pourvu d'un point faible qu'il faudra cogner pour l'affaiblir jusqu'à la désintégration de la bestiole. Tourner autour de sa cible, trouver l'angle d'attaque imparable, utiliser la bonne spéciale sont autant d'ingrédients qui donnent aux affrontements cette sensation de tournis vertigineux, une approche pour le moins originale qui peut être déroutante et c'est aussi finalement ce que l'on aime. On pestera un peu quand il s'agira de parler des DLC déjà mis en place, politique aliénante pour le joueur, mais on gardera comme dernier souvenir du jeu de Sony comme un parfum d'achevé, une aventure mémorable au scénario qui joue de ses pistes comme d'excuses formelles pour nous faire fixer son horizon lumineux, un brin d'humanisme et de douceur n'ont jamais fait de mal à personne.
Version PS4 : Comme il s'agit d'un remaster et non pas d'un remake, le jeu dans ses grandes lignes n'a pas foncièrement changé. Hormis l'ajout de tout le contenu DLC dans la galette et de quelques tenues pour la belle Kat, le contenu reste le même. Comme souvent avec les remaster, le principal argument est la refonte graphique de l'épisode original. Le jeu tourne sans surprise en 1080p 60fps sur PS4 et profite, en plus d'un lissage, de la refonte de certaines de ses textures. On a l'impression que les traits de certains personnages (Kat notamment) ont été un peu arrondis afin de paraître plus réalistes. Ce qui n'était pas le cas, par exemple, dans un FFX/X-2 HD où l'on avait un gros travail sur le lissage, mais où l'on pouvait apercevoir les traits droits qui forment les épaules des personnages. Les cheveux de notre héroïne ont également meilleure mine. En ce qui concerne l'adaptation du gameplay, rien n'a été changé dans les fondamentaux, si ce n'est que le jeu est juste devenu un peu plus confortable à jouer. Pour ceux qui avaient un problème avec les sticks un peu petits de la Vita, ils seront ravis de profiter du soft avec les plus grands analogues de la Dualshock 4. Enfin, ceux qui jouaient à l'accéléromètre se réjouiront de ne pas voir leur écran bouger lorsqu'ils tortilleront leur pad dans tous les sens, grâce au sixaxis de la manette. Les oreilles les plus exigeantes seront également ravies de pouvoir profiter de l'OST du jeu via une sortie son plus riche (enceintes, barre, home cinema et tutti quanti). Le prix reste quant à lui raisonnable, en prenant compte du fait que le jeu est auparavant sorti sur une machine dans laquelle peu de joueurs ont investi. |
Quand Kat voit rouge sur PS4
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Les plus et les moins |
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Une remasterisation très propre. | Quelques textures qui font tache. | ||||
Une direction artistique de très haute volée. | Les petits ratages de la caméra subsistent. | ||||
Une OST magique. | L'attente de la suite d'autant plus insoutenable. | ||||
La dualshock 4 offre un très bon confort de jeu. | |||||
C'est Gravity Rush. |