Hier, Fnatic a officialisé les départs de Seung-hoon « Huni » Heo et Yeu-jin « Reignover » Kim de son équipe League of Legends. Dans son communiqué, la structure a indiqué avoir essayé de faire rester les deux Coréens en négociant et en offrant un salaire plus élevé, sans succès. « Le montant pour garder les deux acolytes en orange et noir serait, d'après Fnatic, d'un ordre de grandeur plus élevé que ce qu'ils étaient prêts à payer ».
Nombre de fans ont réagi sur les réseaux sociaux quant à l'aspect financier qui a, entre autres, motivé leurs départs. Ce sujet a également beaucoup été débattu sur Millenium, avec plus d'une cinquantaine de commentaires. Dans l'après-midi, le botlaner de Fnatic, Martin « Rekkles » Larsson, a répondu aux questions de ses spectateurs pendant son stream et a exprimé son opinion sur le départ de ses coéquipiers. En tant qu'acteur direct du milieu, le jeune Suédois a les pieds sur Terre et explique la dure réalité de la situation économique actuelle de l'Europe.
Des salaires trois fois moins élevés en Europe
« Ce que les gens ne comprennent pas actuellement, c'est que l'Europe est très en retard sur le plan financier par rapport aux autres régions ». C'est sur ce triste constat que Larsson commence sa tirade, précisant que « les salaires que les structures versent en Europe sont presque trois fois inférieurs aux montants que payent toutes les structures en Amérique du Nord et en Corée-du-Sud. Par conséquent, garder les joueurs est difficile de manière générale ». S'il modère ses propos par la suite, revoyant le ratio à la baisse, plus proche des 2,5, ces données n'en restent pas moins édifiantes.
Rekkles exprime son avis sur les récents départs de l'équipe Fnatic LoL
La grande disparité des salaires au sein d'un même championnat, voire d'une même équipe, est déjà un fait connu et qui a été mis sous le feu des projecteurs. À la fin du Summer Split, on apprenait qu'outre le salaire minimum de 10 000€ par split — qui sort de la poche de Riot Games, la structure SK Gaming versait seulement 600€ par mois à ses joueurs, étant l'une des plus petites rémunérations des League of Legends Championship Series Europe. Ces faibles montants peuvent encourager des joueurs à accepter des contrats plus juteux dans d'autres régions, comme l'ont récemment fait, par exemple, Dennis « Svenskeren » Johnsen ou Lennart « Smittyj » Warkus.
Le paradoxe Fnatic
Que les plus modestes structures européennes ne parviennent pas à garder leurs joueurs n'a jamais vraiment surpris ni choqué, mais le fait que ce soit Fnatic, l'équipe qui domine l'Europe de la tête et des épaules depuis des années, qui s'avoue vaincu sur le plan financier a de quoi inquiéter. Comme l'indique Rekkles, « Fnatic est la meilleure structure en Europe en terme de salaire et de stabilité, mais n'importe laquelle des structures nord-américaine ou sud-coréenne moins bien loties peut quand même battre Fnatic (sur le plan financier, ndlr). Cela n'a pas de sens ». « C'est donc très difficile, de manière générale, de garder les joueurs en Europe et si j'étais à leur place je prendrais exactement la même décision » conclue le Suédois.
Le 3 novembre, Maurice « Amazing » Stückenschneider parlait du salaire des joueurs après que Team Dignitas ait revendu sa place en LCS pour 1 million de dollars. Traduction : « C'est fou que Riot prenne en charge la majorité du salaire des joueurs pros dans les plus petites équipes - pas chez Origen ou Fnatic évidemment. »
« La réalité c'est qu'une carrière de joueur dans l'eSport est super courte, poursuit Rekkles. Vous voulez donc évidemment gagner le plus d'argent possible. Vous voulez battre le fer pendant qu'il est chaud, vous voyez ce que je veux dire ? ». S'il est parfois reproché à des joueurs professionnels de Football de se faire transférer vénalement, les critiques qu’essuient Huni et Reignover paraissent particulièrement virulentes aux yeux de certains experts de la scène compétitive de LoL, compte tenu de la conjoncture actuelle.
Traduction : « Les gens ne devraient pas blâmer ces deux-là pour avoir choisi cette solution qui était à des années-lumière de l'offre de Fnatic. Cette mentalité est la bonne façon de garder les salaires à leur niveau actuel, qui est bien trop bas selon les bruits qui courent. »
Traduction : « Huni et Reignover ont déjà remporté deux splits et ont fait un top 4 au Mondial, je pense que c'est raisonnable de leur part de vouloir encaisser de l'argent »
Loin des investissements de fils de milliardaire Chinois ou des copropriétaires d'une équipe de NBA, l'Europe semble bien derrière les principales autres régions. Fnatic, à ce propos, a précisé dans le communiqué du départ de Huni et Reignover ne pas avoir eu d'investisseur et « avoir procédé à des achats et à des augmentations de salaires calculés, afin de rester à flot depuis 11 ans ». Une recette qui fonctionne très bien sur le plan sportif étant donné les récents résultats de ses différentes équipes, notamment sur League of Legends et Counter-Strike: Global Offensive, mais qui ne permet pas d'aligner les billets pour faire rester ses joueurs vedettes qui seraient tentés de mettre les voiles.
L'Europe trouve son unicité dans la pluralité des pays qui la constitue. Si à première vue cette caractéristique ne semble être dérangeante que pour la communication entre joueurs, elle entrave également le développement économique du secteur. S'il est facile à une société coréenne ou américaine d'investir dans une équipe, le démarchage des sponsors locaux est bien plus difficile en Europe.
Somme toute beaucoup de fans voient dans l'exode de joueurs une forme de trahison ou un manque de valeurs et de reconnaissance envers l'écurie qui leur a permis d'exploser au grand jour, mais avec un minimum de recul et en vue des courtes carrières d'un joueur professionnel dans l'eSport en 2015, force est de constater que les joueurs se doivent de réfléchir à leur avenir et ne peuvent pas décemment fermer les yeux sur une rémunération plus conséquente. De plus, dans le cas présent, Huni et Reignover ont déjà rempli le contrat sportif au terme de cette excellente saison chez Fnatic. Faire mieux en 2016 semblait fortement compliqué. Quoi qu'il en soit, les ambitions des deux Coréens ne semblent pas à la baisse, puisqu'ils ont déclaré vouloir réitérer leurs exploits, cette fois en LCS NA. Reste à savoir si l'Europe réagira en 2016 afin d'offrir des rémunérations plus conséquentes à ses acteurs principaux.