Nous en parlions dans notre article dédié à l'affaire mise en lumière par la structure Virtus.pro. Depuis ses origines, le sport électronique rencontre des problèmes chroniques de paiement qui mettent régulièrement aux prises les structures et les organisateurs d'événements. Depuis la sortie de Counter-Strike: Global Offensive en 2012, on notera toutefois qu'un nouvel acteur et pas des moindres est venu s'immiscer dans ces affaires : il s'agit de l'éditeur du jeu Valve. En effet désormais on compte trois grandes catégories qui doivent évoluer ensemble, et surtout s'entendre. D'un côté les joueurs représentés par leurs clubs, s'ils en possèdent un (sachant que les équipes libres sont devenues rarissimes au plus haut niveau), de l'autre les organisateurs de compétitions qui doivent être en relation avec les joueurs et Valve, et en dernier lieu l'éditeur Valve qui communique avec tout ce petit monde en leur versant des chèques à l'occasion. Or vraisemblablement cette machine n'est pas aussi bien huilée qu'il pourrait le sembler et l'afflux de billets vert a mis en exergue quelques couacs assez symptomatiques d'une maladie bien plus grave.
L'éditeur Valve
Commençons par le commencement et le plus simple : l'éditeur Valve. Ce dernier a décidé d'intervenir dans l'évolution de son titre contrairement à ce qu'il avait pu faire par le passé. Résultat c'est lui qui fixe les règles et qui est tout puissant vis-à-vis des autres acteurs. Concrètement en ce qui concerne les paiements Valve peut intervenir de trois manières. Soit en versant de l'argent directement à un tournoi afin d'en augmenter le cash prize, soit en aidant financièrement à l'organisation d'un événement spécifique type camp d'entrainement en amont d'une compétition, soit il peut verser des dividendes aux structures grâce aux gains empochés suite à une opération spéciale comme ces derniers temps avec les stickers (autocollants virtuels). Les deux premiers aspects semblent assez bien rodés, Valve n'intervenant que très peu et faisant une entière confiance aux organisateurs pour qu'ils gèrent au mieux les fonds qui leurs sont alloués. Peu de risques de voir l'intégralité d'un cash prize disparaitre ou bien de constater l'annulation d'un quelconque camp d'entrainement. De plus au cas où cela arriverait, on peut faire confiance aux Américains pour attaquer immédiatement en justice et ne pas laisser l'affaire sans suite.
En revanche la récente affaire qui a touché les Copenhagen Wolves, et a permis à un manager de partir avec une grosse partie des revenus des stickers, a démontré qu'il existait malgré tout une faille dans le système de Valve. Si les relations avec les organisateurs d'événements semblent bonnes, celles avec les structures sont plus archaïques. Ainsi il faudrait trancher pour savoir qui doit recevoir l'argent des stickers versé par l'éditeur. Pour cela il serait tout d'abord opportun d'avoir une totale transparence à ce sujet, et que l'ensemble des clubs voir même du public puissent connaitre officiellement les chiffres. De cette manière personne ne pourrait être surpris de toucher tel ou tel pourcentage. De ce point de vu-là le travail est à faire du côté de Valve qui n'aime visiblement pas communiquer sur les bénéfices qu'il peut tirer de son jeu. De ce fait on ne peut se fier aujourd'hui qu'aux calculs des différents sites eSport qui font leurs propres mayonnaise suivant ce qu'ils peuvent savoir des ventes, pourcentages etc.
Ensuite cet argent devrait être versé aux clubs directement, charge à eux ensuite de le dispatcher comme bon leur semble. Ces revenus ne peuvent pas revenir aux joueurs ou à un manager tout simplement car il s'agit de la vente d'objets directement liés à la marque de la structure. Là aussi il faudrait donc que les clans ne laissent aucune place à un quelconque intermédiaire, l'entreprise ou l'association se doit de recevoir les fonds sur son compte propre. Cet argent étant la propriété de l'organisation, en cas de disparition du dirigeant avec la caisse personne ne serait donc lésé car il s'agit de bonus et, après tout, le patron en fait ce qu'il veut.
Les organisateurs d'événements
Si on a vu précédemment que les rapports entre ces derniers et Valve semblent bons, il n'empêche qu'il faut s'assurer d'avoir affaire à une compétition sérieuse avant de s'y engager. Pour ce faire plusieurs options s'offrent aux participants. La longévité d'un événement est la première preuve d'un certain sérieux, même si par le passé des exemples ont prouvé que cela ne pouvait pas être le seul argument. Les relations que vous entretenez avec les administrateurs du tournoi sont primordiales : sont-ils réactifs, cela semble-t-il bien monté, est-ce que les matchs se déroulent bien et les éventuels retours que vous pouvez récupérer d'autres participants. Car le monde de l'eSport est peuplé de compétitions, et celles dont il faut le plus se méfier se sont les toutes récentes qui se jouent uniquement en ligne. Quand vous ne sentez pas un tournoi deux solutions : le quitter ou continuer en sachant que l'on risque de ne jamais toucher ses lots. Malheureusement cela arrive souvent, même si c'est tout de même moins fréquent que par le passé.
En se plaçant du côté des organisateurs il faut également parler de l'immense majorité d'entre eux : les honnêtes. Pour eux le problème revient tout simplement à savoir à qui payer le cash prize mais aussi quand on va pouvoir le verser. Car bien souvent l'argent promis n'existe que virtuellement au départ, il n'est pas dans une mallette sécurisée puisque ce sont des promesses qui peuvent être faites par des sponsors extérieurs ou par les revenus engendrés durant la compétition. Or parfois cela prend du temps de réunir toutes ces promesses et tout le monde ne peut pas se permettre de faire un chèque dès la remise des prix. Il faudrait pourtant que cela puisse être la norme et, si ça ne peut être le cas, il faut absolument récupérer les coordonnées des joueurs pour leur verser ultérieurement leur dotation. Ceci peut paraitre logique mais ce n'est pas systématiquement le cas dans beaucoup de LAN voir même de tournois en ligne. Un événement se devrait d'avoir ces informations avant de libérer tous ceux qui doivent éventuellement toucher de l'argent, car c'est bien aux joueurs et pas au staff qu'il faut verser ce cash prize. Si redistribution il y a, elle est contractuelle entre la structure et ses poulains et doit donc se gérer en interne entre eux.
Car là encore des exemples d'échecs il en existe. emuLate et la perte d'une grosse partie des gains de l'équipe française car ils avaient été versés au dirigeant. Les Schroet Kommando (devenus SK Gaming) début 2000 qui ne versaient qu'une infime part du cash à leurs joueurs se permettant de garder le reste ... Des cas plus farfelus où l'équipe avait quitté sa structure avant que le paiement ne soit reçu et la structure, lors du versement, a fait la morte pour tout conserver. Il est donc crucial pour les joueurs de maitriser et même d'exiger d'être le seul et l'unique maillon de contact entre les tournois et leurs clubs, sans cela ils risquent des déceptions cela même s'ils évoluent dans les plus belles vitrine de l'eSport.
Sans oublier les clubs
Si beaucoup d'exemples de tournois malhonnêtes existent, les plus grands voleurs de l'histoire du sport électronique demeurent les clubs. On ne compte plus les structures avec leurs dirigeants fantômes qui ont vu le jour, ont promis monts et merveilles et ont disparu de la circulation. Il faut faire la part des choses entre une association et une entreprise. La première sera composée en grande partie par des bénévoles tandis que la seconde, on peut l'espérer, comptera des professionnels contre lesquels il sera plus simple de se retourner. Le contrat liant les joueurs à leur organisation doit être clair en ce qui concerne les versements de cash prize. Il faut bien entendu être intraitable durant les négociations sur ce sujet afin d'éviter toute surprise.
Les deux derniers exemples en date qui ont été dévoilés publiquement touchaient pourtant des clans professionnels. Copenhagen Wolves et Virtus.pro ont clairement fait preuve d'amateurisme, les premiers en laissant une personne qu'ils ne connaissaient pas suffisamment gérer la trésorerie des stickers et les seconds n'ayant pas une vision clair de leurs propres comptes. Un trésorier ou comptable que ce soit en association ou en entreprise doit être désigné, c'est par lui que la communication avec les sections doit passer. Si le versement du cash des compétitions se doit de revenir à ceux qui ont disputé les rencontres, c'est à dire les joueurs, tout ce qui touche aux salaires et aux revenus tiers doit être encadré en toute transparence ne laissant aucune place au doute.
Il est donc capital pour tout un chacun d'être en relation avec la bonne personne pour éviter toutes les entourloupes. Un contrat liant les organisateurs de tournois aux clubs n'est par conséquent pas nécessaire en l'état actuel des choses, tout simplement car les principaux problèmes naissent au sein même des clans qui sont eux-mêmes mal gérés. Contrairement à ce que peut souhaiter le président de Virtus.pro donc, Anton « Sneg1 » Cherepennikov, la solution ne se trouve pas là. Avant toute chose il faut que les organisations se structurent de la manière la plus professionnelle qu'il soit, qu'elles fixent elles-mêmes leurs règles de participations à des événements et qu'elles assument la gestion des fonds qu'elles peuvent recevoir. En cas de problème ce sera également à elles d'entamer des procédures judiciaires où elles exigeront le paiement de ce qu'on leur doit. Inutile pour cela de faire les gros titres, sauf pour tenter de mettre une éventuelle pression médiatique par nécessairement efficace d'ailleurs.
En conclusion aujourd'hui avec Valve et la majeur partie des tournois ayant pignon sur rue vous avez l'assurance d'être payé. En revanche la nébuleuse des clubs est bien plus floue. Trop vaste, peu encadrée et bien souvent très mal organisée, ce sont ces derniers qui doivent se réformer en profondeur s'ils souhaitent éviter les scandales. Aux joueurs de faire les bons choix lorsqu'ils intègrent une structure. Il vaut mieux bien souvent être seul que mal accompagné, cet adage se vérifie et s'applique également dans le sport électronique ne l'oublions pas !